Compétiteur dans l’âme, Benjamin Roffet, déjà auréolé du MOF et du MSF, s’entraine depuis 24 mois au concours ASI du Meilleur sommelier d’Europe et Afrique, qui se déroulera du 15 au 19 novembre à Chypre. Ayant déjà eu le rôle de suppléant, il représentera cette fois les couleurs tricolores. Interview d’un sommelier qui rêve depuis 20 ans de représenter notre pays à une compétition internationale de sommellerie.
Un œil en salle : Comment vous êtes-vous entrainé depuis la sélection en 2019 ?
Benjamin Roffet : La sélection remonte à novembre 2019. J’ai toujours mis beaucoup d’importance, tout comme David Biraud, à avoir du temps entre cette sélection et la finale. Finalement, j’ai été servi, puisque j’ai eu 24 mois ! Le concours a été reporté à 2 reprises. Le concours ASI du Meilleur sommelier d’Europe et Afrique se déroulera du 15 au 19 novembre à Chypre ! Ma préparation s’est faite en différentes étapes : le jour de la sélection où j’ai été désigné, j’ai fait un planning de travail avec un encadrement et un entourage. La clé sur ces 24 mois ? Conserver l’énergie ! Avec les reports, ça été long. Je compare ça au JO de Tokyo, les athlètes ont eu 12 mois en plus pour se préparer, mais quand tu es compétiteur, tu attends une phase. En juillet-août 2020, je suis montée en puissance où j’étais prêt à y aller en novembre ; puis, c’est reporté en mars 2021, tu refais la même chose. Et là, on t’indique que c’est à nouveau reporté en novembre.
Diriez-vous que ça a été positif d’avoir plus de temps pour les préparatifs ?
BR : C’est à double tranchant. J’ai l’impression d’avoir plutôt bien gérer ce temps. Cette gestion d’énergie, étaler les plannings (je n’en ai jamais fait autant, rires). J’ai un beau calendrier qui a changé de nombreuses fois. Il a fallu garder la flamme, la passion qui nous animent pour aller chercher un titre. Ce n’est pas juste du bachotage et du professionnalisme. Pour ma part, j’ai fait ce qui me convenait.
L’entourage associatif, personnel ou professionnel, un triptyque qui est capital !
Quel a été votre entourage ?
BR : Je me suis un petit peu calqué sur celui de David Biraud avec ma touche personnelle. Pour les vins, j’ai fait appel à Jérémy Cukierman ; les spiritueux,Alexandre Vingtier. J’ai eu une sophrologue pour me recentrer sur moi, mon entourage proche (Philippe Troussard, Romain Iltis, Manuel Peyrondet…) avec qui je me suis préparé. Sans oublier David Biraudqui a pris une dimension supplémentaire avec la création de la « Team France UDSF » (5 rendez-vous organisés) et qui a été de très bons conseils. Mais aussi ma compagne Célia, ma famille, mes amis… un concours à ce niveau ne se prépare pas sans être épaulé ! Chacun a eu un rôle capital ! En ce moment, je pars à 7h du matin, et je rentre à minuit, il faut être bien soutenu. L’entourage associatif, personnel ou professionnel, un triptyque qui est capital !
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Dans vos préparatifs, vous avez aussi fait le choix d’avoir un local ?
BR : Oui, après la sélection, en décembre 2019, j’ai pris un local en plein cœur de Paris. Ça permet d’avoir un lieu dédié aux entrainements, d’avoir un confort avec tout son matériel, ses livres… Certes, c’est un budget mais c’est un outil nécessaire en 2021 pour gagner une compétition ! J’y viens tous les jours, avant mon service – parfois entre les deux – au Jules Verne, sauf le dimanche. Ça permet de se mettre dans un cadre et un esprit de compétition… Ces deux derniers mois, je fais aussi une dégustation à l’aveugle en rentrant du service, le soir, préparée par Célia. Le budget global des entrainements a été financé à 60% par mes soins, et à 40% par l’UDSF.
L’emploi du temps au Jules Verne a-t-il été adapté ?
BR : C’est moi qui ai adapté mon emploi du temps. J’ai l’autorisation de la direction, aussi du chef Frédéric Anton, qui m’a redit la confiance qu’il avait en moi. C’est une organisation d’équipe. J’ai pérennisé la carte des vins sur tout le mois de novembre pour ne pas qu’il soit pénalisé sur mon absence de 10 jours. C’est un des avantages du Covid, on a eu le temps de préparer les choses… Je suis très cartésien, j’avais besoin de tout segmenter !
Un titre qui nous échappe depuis 21 ans, c’est aussi un titre qui échappe aux vignerons !
Avez-vous fait des sorties extérieures ?
BR : J’ai visité une centaine de vignerons. Outre le fait que ça fait partie de mon métier de sommelier, où on y va pour construire sa carte, et entretenir des relations. Là, je suis allé voir des amis et des nouveaux vignerons pour me présenter, dire qu’un candidat français va les représenter à Chypre ! Un sommelier c’est le trait d’union entre le vigneron et le client. Je trouvais ça important de leur dire que je vais porter les couleurs de mon pays. Car un titre qui nous échappe depuis 21 ans, c’est aussi un titre qui échappe aux vignerons ! Je n’ai pas eu le temps d’aller dans les écoles…
Avez-vous votre programme à Chypre ?
On connait uniquement le déroulement officiel. Nous savons que les 35 candidats (contre 41 au départ) arrivent le lundi 15 novembre avec un diner d’ouverture, puis le lendemain, mardi 16, les ¼ de finale avec les résultats le soir même. La ½ finale (10 à 12 candidats) se tient le mercredi 17, puis jour off le jeudi 18, et enfin, la finale (3 prétendants) se tiendra le vendredi 19 ! Je fais beaucoup d’analyse, je me suis basé sur les précédentes finales pour avoir une idée globale de l’exercice !
Comment avez-vous travaillé avec votre suppléant Dominique Laporte ?
Avec Dominique Laporte, qui a déjà porté nos couleurs, j’ai pu faire quelques déplacements, des dégustations, et de voir ensemble la sophrologue… Il sera sur place à Chypre ! Le suppléant doit être aussi reposé que le candidat, et doit être prêt à porter le costume si jamais il y a quelque chose. Ce n’est pas forcément une position facile, je le sais car je l’ai été pour David, notamment au Japon. C’est un rôle important.
J’ai rempli mes objectifs, je me suis donné les moyens de mes ambitions.
Quel est votre état d’esprit à quelques jours du concours ?
BR : Je ne suis pas d’un naturel stressé, je dois arriver à cocher les cases. Je suis confiant ; j’ai rempli mes objectifs, je me suis donné les moyens de mes ambitions. À tel point que je n’envisage pas une autre place que la première. Mais c’est aussi le rôle d’un compétiteur. Après il faut relativiser, c’est peut-être une de mes forces – le fait d’avoir eu 40 ans cette année me permet de prendre du recul -, ça reste une compétition où j’ai mis beaucoup d’implications ou de moyens, humains et financiers.
Je suis un outsider et je veux me positionner comme tel !
Pour vous, ce concours européen est aussi une étape vers le mondial ?
BR : Depuis ma sortie de Mention complémentaire en 92, j’ai toujours rêvé d’avoir le MOF et le MSF, des titres que j’ai obtenus depuis. Ça fait 20 ans que je veux représenter mon pays sur une compétition internationale de sommellerie, j’ai cette opportunité cette année. (…) Je suis un outsider ; je n’ai jamais prouvé mon niveau à l’international, n’ayant jamais représenté mon pays… Je suis un outsider et je veux me positionner comme tel ! Si je gagne le Meilleur sommelier d’Europe à Chypre, je pourrai accéder au titre mondial, qui se déroulera à Paris en 2023, et la France pourra aussi présenter un deuxième candidat. C’est une étape secondaire, je vais d’abord me concentrer sur le titre européen… et tout faire pour le décrocher !