En 2020, les périodes de confinement ont occasionné des modifications radicales dans le secteur de l’hôtellerie-restauration pour de nombreux professionnels. Nouveau départ, reconversion, déménagement : témoignages croisés de ceux qui ont osé le changement.
Article paru dans le Magazine Un oeil en salle N°11
Horaires en décalé, travail le week-end, vie de famille à adapter… Les métiers de la restauration sont avant tout des métiers de passion,mais qui impliquent parfois quelques sacrifices. Lafermeture forcée des restaurants, et donc l’arrêt de l’activité professionnelle, a permis à certains de prendrele temps de se poser, de réfléchir et de revoir leur objectif professionnel. C’est le cas d’Emmanuel Cœur, chef sommelier à La Marine à Noirmoutier (85), qui a décidé, après 22 ans de service, d’arrêter le métier dans la seconde période de confinement. Il était arrivé après son apprentissage, et a connu l’évolution de lamaison aux côtés de Céline et Alexandre Couillon : à 41 ans, Emmanuel Cœur a décidé d’ouvrir sa cave, « La Cave du Bonheur » à Saint-Brévin-les-Pins (44), à côté de Pornic. « Je pensais déjà au monde de la cave depuis quelques années ; cette période a accéléré ma décision. Être indépendant n’est pas de tout repos, mais les horaires de journée sont un vrai plus ! C’est ce qui m’a poussé à quitter mon poste le 30 avril pour me mettre à mon compte dès le 4 juin. »
« REVENIR À DES CHOSES QUI NOUS RESSEMBLENT »
Un rêve d’entrepreneuriat qui séduit par ses possibilités, et vient faire suite à une longue expérience en restaura-tion. C’est également le sentiment de Sébastien Rival, qui a quitté ses fonctions de directeur de la restauration à l’Hôtel Le Meurice à Paris (Ier), en avril. « J’ai passé 20 ans à Paris. Je pars ouvrir un bar à vin/guinguette à Beaupréau (49), ma ville natale, avec mon épouse. Les périodes de confinement ont été décisives, car elles ont permis de construire mon projet, explique-t-il. Nous y pensions depuis longtemps sans savoir où nous installer. Le retour aux sources est paru comme une évidence après une vie parisienne riche en expériences. Nous avons réalisé nos rêves de jeunes professionnels, il est temps de revenir à des choses simples, qui nous ressemblent. » Un départ pour une ville à taille humaine qui trouve écho dans le virage pris par Aurélien Massé, responsable des achats vins au sein du Groupe Frenchie. Celui qui a fêté ses 10 ans aux côtés du chef Grégory Marchand a profité de cette période pour adapter son poste etses outils de travail afin de déménager à Nantes (44). « J’ai la chance de travailler pourunchefquiasume comprendre et m’aider en dématérialisant la totalité de nos outils de gestion. Ce projet de déménagement, nous l’avions avec ma femme pour que nos enfants puissent voir autre chose. Après ces confinements, nous avions envie de changer d’air ! », dit-il.
La restauration est un univers riche et varié, ayant de multiples possibilités de reconversions. L’expérience est un vecteur essentiel afin de pouvoir concrétiser un projet d’évolution. Adrien Helbert en a fait l’expérience. « Dernièrement, j’occupais le poste de chef sommelier au restaurant Le Quatrième Mur de Philippe Etchebest à Bordeaux (33). Je me suis mis en quête d’une nouvelle aventure. J’ai eu la chance de pouvoir intégrer le magasin bordelais METRO le 1er mars, en tant que responsable de la partie cave, poursuit-il. Cela m’a permis de conserver mon niveau de vie tout
en adoptant des horaires plus confortables. Une chance certes, mais aussi le fruit de la patience et de l’engouement que j’ai mis dans mon travail au fil des années. On peut être amenés à quitter la restauration pour diverses raisons. Cependant, je crois qu’un minimum d’expériences et de stabilité faciliteront grandement l’obtention d’un nouveau poste. Avoir ce rôle de “vendeur”, c’est être mis en concurrence avec des jeunes qui sortent d’écoles de commerce et sont formés spécifiquement à ça. Une reconversion impose d’être compétitif sur un marché qui nous est inconnu, et que l’on ne maîtrise pas forcément. » Fruits de longues réflexions ou de soudaines prises de conscience, ces professionnels reconvertis, issus de la restauration, s’orientent bien souvent vers des secteurs connexes. Un changement de vie qui tend souvent
vers plus de confort et pour lequel expérience et stabilité ne sont pas à négliger pour aller de l’avant dans les meilleures conditions.
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L’ENSEIGNEMENT COMME VOIE D’ÉVOLUTION
« Évoluer dans un secteur aussi concurrentiel que la haute gastronomie n’est pas facile
à accorder avec une vie privée. »Thomas Fefin
Après une expérience à Épicure, trois étoiles de l’Hôtel Le Bristol (VIIIe), Thomas Fefin a pris son premier poste de directeur de salle au Gabriel, restaurant doublement étoilé de La Réserve Paris (VIIIe) en janvier 2019, quelques mois après l’obtention du titre de MOF maître d’hôtel. Plus d’un an et demi plus tard, en septembre 2020, il quittait l’opérationnel pour prendre le poste de maître d’enseignement à l’école hôtelière de Lausanne (Suisse). Cette reconversion dans l’enseignement n’aurait pas été possible sans une constante évolution menée tout au long de sa carrière. « Passé 35 ans, de nombreux professionnels rêvent d’une vie de famille, et cela a aussi été mon cas, admet Thomas Fefin. Évoluer dans un secteur aussi concurrentiel que la haute gastronomie n’est pas facile à accorder avec une vie privée. Valider des diplômes au cours de sa carrière, construire son curriculum vitæ (CV), mettre de l’argent de côté et “taper dedans” quand on a l’énergie de le faire, sont autant d’ingrédients pour quitter l’opérationnel au moment où l’on souhaite le faire. » Selon lui, la jeunesse veut « aller tout de suite vers la facilité sans se mettre en difficulté. » Avec son rôle de transmission « plus direct qu’auparavant », le MOF souhaite aujourd’hui sensibiliser les futurs professionnels à ce sujet.