Le 15 mars, l’agence Papilles & Pupilles, dirigée par Florence Coiffard, inaugurait le 1er de quatre rendez-vous annuels réunissant des professionnels et un quart de ses vignerons, sous un format nouveau pour répondre aux règles sanitaires et en profiter pour développer des échanges plus profonds et qualitatifs. Il y a des événements où le digital ne remplacera jamais l’humain. Tour d’horizon avec Un oeil en salle.
Malgré le contexte où les salons, les événements ou les dégustations sont reportés ou annulés, voire remplacés par des formats digitaux, la dynamique équipe de Papilles & Pupilles, qui gère une quarantaine de vignerons, a fait le pari de transformer son événement annuel pour maintenir les retrouvailles vignerons-clients. Il n’y a donc pas une date unique, mais 4 rendez-vous échelonnés sur 2021 ! Le premier s’est tenu le 15 mars au sein de la Galerie des Minimes à Paris (IIIe). Un format plus réduit, sécurisé, et qui a réuni 10 vignerons et près de 140 professionnels (cavistes, restaurateurs, sommeliers). Ces derniers avaient des créneaux définis à l’avance, et un parcours de dégustation pensé comme une exposition… En petit comité (par 4), et une durée de 12 minutes par vigneron.
Un événement gagnant-gagnant
« Nous sommes parvenus à atteindre les objectifs tout en contentant 2 profils : nos vignerons, et les clients, sourit Florence Coiffard, qui fêtera les 20 ans de Papilles & Pupilles en 2024. On ne fait pas un métier virtuel ! Nous avons besoin de l’humain. C’est ce qui nous lie. Chacun était très prudent. Les retours sont très positifs. Je pense que ce format nouveau va perdurer. Parce que même s’il paraît plus « rigide », au vu des mesures sanitaires, il est efficace et qualitatif pour les vignerons comme pour les professionnels. C’est du gagnant-gagnant ! Nous allons organiser 3 autres rendez-vous en 2021. » Papilles & Pupilles a également fait un focus sur… le cidre ! Cette boisson est, à tort, peu mise en avant sur les cartes des restaurants et dans les accords avec les mets. Mais les choses évoluent, comme le prouvent la sommelière Yanna Delière (Le Journal du Sommelier), présente avec son livre sobrement intitulé « Le Cidre », et le cidriculteur Damien Lemasson (article à venir la semaine prochaine). Le lieu se prêtait aussi à un cadre moins formel : les murs valorisaient l’exposition « Paris Confiné » du photographe Fabien Desgroux, où il a pris le soin d’immortaliser la capitale en confinement. Un clin d’oeil joyeux à cette période – qui implique de se réinventer.
Ils ont dit…
« Nous sommes des passeurs de plaisir » – Caroline Rostang (Groupe Rostang Pères & Filles)
« Je m’occupe de l’achat des vins des établissements du Groupe Rostang Père & Filles. Trois de nos restaurants proposent du click and collect ; ça plaît à notre clientèle d’habitués ! Nous proposons aussi de la vente de vins à prix caviste dans l’idée de se faire un peu de trésorerie mais ça ne fonctionne pas aussi bien qu’on l’espérait ! Avec cette période, les événements se font rares, pourtant ils sont importants ! Aller à la rencontre des vignerons et des professionnels du vin est une chance, et cela permet aussi de mieux faire passer les messages à nos clients. Car nous sommes des passeurs de plaisir. La dégustation organisée par Papilles & Pupilles est bien rythmée, et a permis des échanges riches sur 2h30. Il y avait une jolie sélection de vignerons ; j’ai apprécié le Domaine du Deffends (Provence), la Madura et le Mas Amiel – dont je n’ai pas l’habitude de goûter en sec – (Languedoc-Roussillon), et le Domaine Giudicelli (Corse) – que j’ai prévu d’aller voir sur place ! Nous espérons une reprise rapide, mais j’en suis sûre ça va repartir, les gens ont envie de retourner au restaurant ! »
« Continuer à exister ! » – Nadia Madura (Domaine La Madura, Languedoc-Roussillon)
« Nous avons fait un brainstorming avec Papilles & Pupilles pour réfléchir à quelques idées pour rencontrer les professionnels dans un contexte bousculé. Il était évident qu’il fallait continuer à exister ! Une façon de penser à l’avenir… Ce nouveau format, plus réduit, et minuté, permet de se concentrer sur l’essentiel. Ça me fait penser à un ‘speed dating’ entre acheteurs et fournisseurs du monde du vin. Le retour est immédiat ! C’est très sympa. Nous avons refusé de faire des dégustations via Zoom. Déguster du vin doit se faire en présence du dégustateur ! L’instantanéité du moment ne peut se faire qu’en présentiel. Et l’information passe mieux. De plus, nous ne faisons pas un produit industriel, le vin mérite d’être raconté. 80% des visiteurs du jour, je ne les avais jamais rencontrés sur les autres rendez-vous Papilles & Pupilles. Ils ont tous été agréablement surpris par le style de nos vins ! Chaque cuvée a sa personnalité. Les blancs se démarquent par l’originalité de l’assemblage (cépages Sauvignon et Picpoul blanc), tandis que les rouges séduisent par leur style soyeux et frais. Parfois les gens ont des idées préconçues, c’est bien de les bousculer, d’enlever les barrières – notamment sur ce que l’on imagine de l’appellation Saint-Chinian. Les cavistes ou sommeliers qui sont passés sur notre stand, n’auraient peut-être pas fait la démarche d’eux-mêmes. Notre Domaine a sorti son premier millésime en 1999, soit 22 ans en 2021. Nous travaillons avec Florence depuis ses débuts ; nous faisons partie de ses 5 premiers vignerons ! »
« Nous vendons des histoires plus que du vin ! » – Stéphane Marcuzzi et Quentin (Restaurant Oh ! Popotes, Paris)
« Le confinement a accéléré les choses. Nous avons entrepris des travaux en novembre dernier pour faire évoluer le restaurant avec une offre plus marquée sur le vin. Il se distingue dorénavant en 2 zones : une partie bistrot, et une autre avec des manges-debouts et un bar à vin où le client peut déguster sur place ou acheter sa bouteille à emporter à prix caviste. Nous avons rouvert en début d’année avec une carte de 200 références qui va se développer. Nous travaillons sur un site e-commerce pour vendre du vin en ligne. Le monde du vin a considérablement changé ces dernières années. Le vigneron, au même titre qu’un chef, élabore, s’adapte, anticipe, colle au marché pour avoir une vraie identité. Grâce à cette journée Papilles & Pupilles, nous pouvons revoir ou découvrir des vignerons, connaître leurs histoires. Car dans nos restaurants, nous vendons des histoires plus que du vin ! On vend de l’humain ! On a aimé le Domaine du Deffends (Provence), Tenuta La Massa (Italie), de Boisseyt (Vallée du Rhône) et les Roches Neuves (Vallée de la Loire). Une mention particulière sur le cidre – nous avons appris qu’il pouvait être millésimé. Ça nous a ouvert sur ce produit, il y a là un potentiel à exploiter… »
« Le contact humain est très important ! » – Jean-Baptiste Geoffroy (Champagne Geoffroy)
« Ce format est très positif et intéressant ! Si on compare aux salons d’avant (en présence de 40 vignerons), je n’avais pas la certitude de voir tout le monde. Ce nouvel événement oblige chacun à venir sur notre espace en plus petit comité et dans un temps imparti. C’est le positif du Covid (rires). Finalement, à voir si nous ne pourrions pas continuer ainsi… Le contact humain est très important ! Ça fait plaisir de se revoir entre copains vignerons, mais aussi avec les professionnels. J’ai présenté plusieurs cuvées : un brut nature, un non millésimé, Empreinte 2014, Terre extra brut millésimé 2008 pour se faire plaisir et Cumières rouge ! D’ailleurs, je souhaite valoriser cette cuvée Cumières rouge, qui donne une belle identité du Coteaux Champenois ! C’est dans l’air du temps, frais, moins alcooleux et à prix abordable pour la Champagne (16 euros HT). Je suis persuadé qu’il y a des choses à faire avec une vraie montée en gamme. C’est une cuvée historique puisque mon grand-père la faisait. Dans les projets, je suis en train de tester un rouge sans soufre. »
« C’est notre 1er événement de l’année ! » – Bernard Neveu (Hôtel Le Bristol, Paris)
« C’est une bouffée d’air de pouvoir être ici ! C’est notre 1erévénement de l’année ! Il y a une belle osmose dans le respect des gestes barrières. Malgré cette période compliquée, c’est bien de pouvoir organiser ce type de dégustation. Je suis venue avec 3 de mes sommeliers. Nous sommes en activité partielle, et alternons avec le room-service – qui est un métier à part entière ! On garde les automatismes, la qualité de l’équipe avec une clientèle qui répond présente, et aussi à acheter. Avec le Groupe Oetker Collection, nous avons cette chance de maintenir les allocations à 70%, et même de référencer des nouveautés et des vins étrangers ! Notre carte compte 5 000 références dont 2500 sur carte (100 000 cols). Ce sont 5000 références qui donnent le sourire. J’ai particulièrement apprécié le Domaine La Madura avec le Saint-Chinian – un niveau qui augmente sans pour autant le faire avec les tarifs. Mais également le domaine corse de Muriel Giudicelli avec son Patrimonio blanc, et le domaine de Boisseyt, qui selon moi, est à suivre de très près ! »
Les 10 domaines présents : Champagne Geoffroy / Cidre Lemasson / Tenuta La Massa / Château d'Escurac / Domaine des Roches Neuves / Domaine du Deffends / Domaine Giudicelli / Domaine La Madura / Mas Amiel / Domaine de Boisseyt.