L’association Les Grandes Tables Du Monde en fait son cheval de bataille. À l’occasion de son congrès qui se tenait du 7 au 10 octobre à Marrakech (Maroc), elle s’est engagée pour plus d’inclusion, et a présenté une étude sur la place des femmes dans l’univers de la gastronomie, réalisée auprès de ses membres.
« Le sujet est d’actualité. A travers l’association Les Grandes Tables du Monde (LGTM), nous voulons féminiser nos prises de paroles, nos événements, chercher la parité. Nous souhaitons aussi faire attention, en termes d’iconographie, à ce que les femmes soient bien représentées dans notre Guide diffusée à 100 000 exemplaires », a annoncé Nicolas Chatenier, délégué général des Grandes Tables du Monde, lors du 64èmecongrès résolument placé sur la place des femmes dans l’univers de la gastronomie, tous métiers confondus. Pour amorcer le débat et nourrir les discussions, l’association a présenté, à cette occasion, une étude* en vue de dégager les enjeux et les objectifs nécessaires pour une gastronomie plus « inclusive ». Celle-ci révèle une certaine évolution des mentalités, elle soulève également les problèmes à résoudre et les mesures à prendre pour accélérer l’insertion des femmes dans ce secteur.
« La place des femmes est logique mais la réponse du métier ne l’est pas forcément », poursuit Nicolas Chatenier. Si les interrogées reconnaissent, et se réjouissent, du nombre croissant de femmes qui rejoignent le secteur (20% des maisons sondées affirment d’ailleurs souhaiter recruter davantage de femmes dans les années à venir), les données rassemblées par l’étude montrent que cette évolution mérite de s’accentuer en cuisine. En moyenne, on retrouve 8 femmes pour 12 hommes en salle, et seulement 3 femmes pour14 hommes en cuisine. Plus clair encore, les femmes accèdent moins facilement aux postes à hautes responsabilités tels que chef de rang, chef de partie ou sous-chef. Et comme dans bien d’autres secteurs, la question de l’égalité salariale reste encore taboue. Seuls 41% des établissements contactés ont répondu à cette question, et les réponses collectées pointent vers un écart de salaire de 9,5% en faveur des hommes.
Faire évoluer les choses
Enfin, les préjugés sur la maternité et la vie de famille restent l’un des freins principaux à l’évolution des femmes dans ce secteur. 60% des employeurs identifient même ce sujet comme la contrainte principale en matière de progression de leurs collaboratrices. Rythme de travail et longues heures sont parfois jugées incompatibles avec la grossesse et la vie de famille. Tout ceci pose clairement la question de la flexibilité du travail dans ce secteur. Si certaines avancées sont notables (74% des employeurs ont mis en place des mesures permettant de la souplesse (temps partagé, congé parental…), une des interviewées raconte : « Nous travaillons 13 ou 14 heures par jour. Cela veut dire pas de temps pour les enfants, pas de lien émotionnel, juste travail, travail, travail ; donc à un certain moment vous êtes confrontés à des choix. »
Du côté des femmes interrogées, le constat est donc clair et uniformément partagé : les femmes qui travaillent dans cet environnement doivent se préparer à s’endurcir pour pouvoir évoluer. Une femme précise : « Si tu sais tenir tes positions et t’affirmer, tu n’auras aucun problème dans ce métier mais il faut avoir une carapace ». L’équilibre est donc subtil entre rester soi-même et adopter des attributs perçus comme virils pour être respectée.
« La question des femmes en gastronomie est un sujet essentiel, porteur d’un message d’évolution positive dans nos métiers. Il ne s’agit pas ici d’opposer hommes et femmes, ce dont nos répondants se gardent bien d’ailleurs, mais de permettre aux femmes d’évoluer à leur juste place et de renforcer leur pouvoir d’action», poursuit-il. De ce fait, Les Grandes Du Monde décide de s’engager autour de 3 grands axes d’amélioration :
- L’égalité de traitement :
Se défaire des préjugés, tendre vers une plus grande ouverture d’esprit doit nécessairement passer par tous les collaborateurs. Le rôle des chefs, des restaurateurs, des managers, et de l’association est essentiel : c’est par la sensibilisation, la discussion et la réflexion autour de nouvelle stratégies d’inclusion que l’évolution se fera.
- Une plus grande médiatisation des femmes :
Les interviewées de l’étude ont toutes souligné l’importance des « Modèles Positifs » : Anne-Sophie Pic, Hélène Darroze, Christelle Brua, Estelle Touzet, ces femmes inspirantes ont montré la voie à plusieurs générations. La mise en avant de ces carrières exemplaires est nécessaire pour engendrer de nouvelles vocations, mais aussi et surtout rappeler que les femmes ont tout autant leur place que les hommes dans ces fonctions. L‘association s’engage donc à médiatiser ces femmes de métiers lors des toutes ses prochaines prises de paroles, mais aussi et surtout de les intégrer à toutes les actions et manifestations auxquelles Les Grandes Tables Du Monde participe.
- Plus de flexibilité vis à vis des horaires de travail :
Il ici s’agit de tenter d’aménager les horaires de travail et d’y apporter de la flexibilité. Le rythme de la « coupure », encore en vigueur dans la majorité des établissements, est vécu comme un véritable obstacle à une vie de famille, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes. L’association, avec ses membres, souhaite réfléchir à de nouvelles formes d’organisation : roulement, congé parental, etc. pour créer un environnement de travail bienveillant vis à vis de tous ses membres.
*Etude menée en septembre 2018 par l’Institut FM Research et commanditée par Les Grandes Tables du Monde et S. Pellegrino, auprès des 174 membres et de 17 femmes de l’association Les Grandes Tables du Monde.
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1 commentaire
Bravo à toutes ces femmes qui font bouger les lignes et sortent enfin de l’ombre .
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