Ce 18 mars, l’édition française du Guide Michelin a organisé sa cérémonie des étoiles au Palais des congrès de Tours (37), ainsi que l’annonce des quatre lauréats aux Prix spéciaux du service et de la sommellerie. Portraits des promus.
Prix du service Michelin 2024
- Sandrine Deley-Favario – L’Auberge de Montmin (2 étoiles) à Talloires-Montmin (74)
Sandrine Deley, née en 1979 à Paris, a un parcours atypique, d’autodidacte pourrait-on dire, car elle ne possède pas de diplôme hôtelier et s’est formée « sur le tas », entre autres à Londres, mais également dans des établissements gérés par Thierry Marx et Eric Frechon, sans oublier la gérance d’une brasserie parisienne. En 2018, elle reprend avec son mari Florian Favario une banale pizzeria un peu perdue au col de la Forclaz, au-dessus du lac d’Annecy. Grâce à leur travail acharné et à leur passion des produits en circuit court, le couple en fait rapidement une table de valeur, récompensée d’une première étoile au Guide Michelin en 2020 – ainsi que de l’étoile verte, puis d’une deuxième en 2023.
Un parcours fulgurant, et exemplaire. Aussi passionnée que le chef, avec qui elle forme un binôme parfait, la maîtresse de maison sait faire partager son attachement aux produits des environs et aux végétaux des alpages. Elle assure un service discret et personnalisé, avec l’aide d’une petite équipe féminine qui travaille dans le même esprit : souci du détail et attention de chaque instant portée aux goûts et envies du client. Les points forts de Sandrine : la bienveillance et la douceur, qui font merveille pour assurer aux convives une délicieuse soirée. La transmission et le bien-être au travail sont aussi au cœur de ses préoccupations. Elle veille à ce que ses collaborateurs soient bien logés, et bénéficient de temps de repos suffisants. Des salariés heureux qui forment une petite famille, avec un esprit d’équipe qui égale en qualité et en implication bien des établissements prestigieux.
- Serge Schaal – La Fourchette des Ducs (2 étoiles) à Obernai (67)
Né à Strasbourg en 1970, Serge Schaal obtient un bac scientifique puis suit des études de géophysique, qui le mèneront à un poste d’ingénieur environnement à la ville de Strasbourg. Mais sa rencontre avec Nicolas Stamm-Corby en 1998 va changer le cours de sa vie personnelle et professionnelle. En novembre de cette même année, le chef Stamm-Corby – son compagnon (devenu son mari depuis) et gérant à l’époque de La Fourchette à Hagueneau – l’appelle en catastrophe pour qu’il remplace au pied levé un serveur qui s’est désisté au dernier moment. Ce fut le début d’une longue carrière en salle apprise sur le tas. En 2000, ils s’installent à La Fourchette des Ducs à Obernai et Serge Schaal en devient le directeur. 1 ère étoile au GM en 2002 et la deuxième en 2005. En 2011, il est fait citoyen d’honneur de la ville d’Obernai.
Désormais figure incontournable des métiers du service, il participe au jury de Top Chef en 2017, et a été membre du bureau des Grandes Tables du Monde pendant une dizaine d’années, notamment comme vice-président. En octobre 2023, le couple est distingué du Bretzel d’Or par l’Institut des Arts et Traditions Populaires d’Alsace, sorte de Légion d’Honneur alsacienne ! Dans cette superbe maison à colombages, Serge Schaal reçoit ses convives tel un aubergiste du 21 e s. avec beaucoup de discrétion, de savoir-faire et surtout de bienveillance, que ce soit dans le magnifique salon d’hiver (appliques et objets Lalique, marqueterie…) ou bien à la belle saison dans le salon d’été, plus lumineux, où Baccarat cette fois-ci est à l’honneur. Un couple qui fut avant-gardiste car depuis l’ouverture du restaurant, il n’assure que 6 services par semaine : une cadence qui leur semblait déjà à l’époque comme une évidence pour respecter le bien-être de l’équipe. Ce restaurant est un lieu chargé d’histoire où l’âme alsacienne est présente grâce entre autres à Serge Schaal, chef d’orchestre qui déroule une partition sans fausse note, en étant le trait d’union entre les équipes de salle et de cuisine.
« Ce prix représente une mise en lumière des métiers de l’hospitalité et des arts de recevoir ! Je pense immédiatement à ma formidable équipe de La Fourchette des Ducs », dit Serge Schaal.
Prix de la sommellerie Michelin 2024
- Magali Delalex – La Table de l’Ours (1 étoile) à Val d’Isère (73)
Magali Delalex est pour ainsi dire née dans le vin ! [En 1984]. Fille de viticulteurs réputés du Chablais (le Domaine Delalex, qui produit des chasselas sous l’appellation Savoie Marin), c’est tout naturellement qu’elle intègre le Lycée hôtelier de Tain-l’Hermitage en mention sommellerie. Son diplôme en poche, elle fait ses débuts professionnels en Alsace et dans le Jura, puis
découvre les vins du monde, notamment aux côtés d’Edouard Oger au Gidleigh Park (Angleterre), avant de passer deux années à Dublin. Aux Barmes de l’Ours, où elle arrive en 2016, elle met en avant le vignoble de Savoie avec passion à travers une carte riche mais abordable, qui présente les références en une répartition judicieuse par cépages. Sa complicité avec le chef Antoine Gras se ressent dans les judicieux accords mets-vins qu’elle propose avec un grand naturel. Magali assure un excellent service, souriant et qui sait s’adapter au convive, sans se perdre dans des détails trop techniques inaccessibles au profane.
- Xavier Thuizat – L’Écrin à l’Hôtel de Crillon (1 étoile) à Paris 8ème
Né à Saint-Yorre en 1985, Xavier Thuizat s’installe à l’âge de 18 ans dans le célèbre village vigneron de Pommard. Son rêve dans un premier temps étant de devenir journaliste, c’est donc naturellement qu’il a obtenu un baccalauréat littéraire, avant de s’orienter vers un BTS Commerce des vins et spiritueux à Beaune, car il commençait à s’intéresser au monde du vin. Mais une rencontre change sa vision des choses : son voisin vigneron Vincent Girardin, avec qui il sillonne les vignes de Meursault à vélo tous les dimanches… À partir de là, la sommellerie devient une évidence. Bien que n’ayant pas de diplôme hôtelier, nécessaire pour obtenir une mention en sommellerie, il parvient à intégrer la fameuse école hôtelière de Tain l’Hermitage. Une fois le précieux sésame obtenu, il intègre des maisons prestigieuses et reconnues comme Le Relais Bernard Loiseau, Le Meurice, Pierre Gagnaire, en tant qu’assistant chef sommelier. C’est avec l’ouverture du Peninsula, à l’âge de 28 ans, qu’il prend sa première place de chef sommelier, avec le challenge de créer une carte des vins dans son intégralité. C’est aussi dans cet établissement qu’il se découvre une passion pour le saké.
En 2017, il quitte le 16 e arrondissement pour rejoindre Le Crillon qui rouvre alors ses portes après rénovation. Un lieu mythique chargé d’histoire, dont le restaurant L’Écrin est niché au cœur de l’hôtel, avec un décor contemporain. Il met en place une carte de plus de 2 300 références, construite grâce à 17 années de visites dans les vignobles et de rencontres avec
les vignerons. L’année 2021 est marquée par un changement important au restaurant L’Écrin, où c’est dorénavant le vin qui dicte le repas. Xavier Thuizat accompagne donc les convives dans le choix des vins, avant de travailler de concert avec le chef Boris Campanella en vue d’élaborer l’accord parfait… différent à chaque table. Une double consécration arrive en 2022, avec le titre de Meilleur Sommelier de France, et celui de Meilleur Ouvrier de France. Nos inspecteurs et inspectrices ont énormément apprécié cette approche, qui se veut accessible pour le client, rendant le monde du vin plus simple, et sa facilité à trouver les mots justes pour décrire un vin, un domaine, un terroir… et mettre en avant des hommes et des savoir-faire, donnant d’une certaine manière « l’eau à la bouche » avant même d’avoir débuté le repas. Lors de nos repas, cette passion et cet amour pour le vin sont apparus comme une évidence. Une passion communiquée aussi à son équipe, impliquée et toujours souriante.