Pour cette 17ème édition du concours Ô service des talents de demain, les étudiants de BTS MHR option Management d’unité de restauration ont travaillé sur un sujet ardu puisqu’ils devaient, en différenciant bien « individualisation » et « individualisme », proposer un concept de restauration mettant avant tout à l’honneur le travail de l’équipe de service en restaurant, avec une équipe de cuisine réduite, tant en nombre qu’en matière de compétences.
Cette année, c’est le dossier de deux étudiantes de l’école hôtelière de Poligny (Jura), Margot Pruvot et Léonie Davault, qui ont particulièrement retenu l’attention de Denis Courtiade, président de l’association, et Corinne Hacquemand, professeure de restaurant. À la deuxième place, Tsilla Marino avec un dossier original, et à la troisième place, le dossier de Jeanne Raffaëlli et Axel Robineau.
Individualisation VS individualisme
La tendance de l’individualisation du travail se caractérise par un besoin croissant de liberté́ et de flexibilité́ pour les collaborateurs, un besoin d’indépendance et de reconnaissance. Pour comprendre le contexte des concepts proposés, il est important de ne pas confondre « individualisme » et « individualisation ». En effet, si l’individualisme tient de l’idéologie qui valorise l’individu avant tout au détriment du groupe, l’individualisation est un processus qui permet à chacun de se différencier et de s’épanouir en tenant compte de ses besoins. Dans ce cadre, l’individualisation dans le milieu du travail, et donc de la restauration, représente à la fois une opportunité et un défi : les entreprises doivent naviguer entre la valorisation de l’autonomie individuelle et la nécessité de maintenir un esprit d’équipe. Cette tendance se traduit par une recherche de reconnaissance individuelle et d’évolution professionnelle personnalisée. Par exemple, un chef de rang peut souhaiter se spécialiser dans un domaine précis, comme la sommellerie ou les techniques de découpe ou de flambage au guéridon, plutôt que d’être interchangeable au sein de l’équipe.
Toutefois, comme le rappelle le sociologue André́-Yves Portnoff dans Le Monde, « la performance collective repose avant tout sur la qualité́ des relations professionnelles et non sur la simple addition des performances individuelles. » C’est pourquoi les maîtres d’hôtel et directeurs de salle doivent trouver un équilibre entre cette demande d’individualisation croissante et l’importance du travail collaboratif, en responsabilisant les salariés et en valorisant leurs compétences tout en maintenant une cohésion d’équipe. L’équation n’est pas simple.
Le concept gagnant : du spectacle en salle
Cette année, le contexte imaginé pour le concours Ô Service imposait une nécessaire adaptation de l’offre d’un restaurant fictif suite au départ de son chef de cuisine : il s’agissait alors de se réinventer en mettant en avant les savoir-faire de l’équipe de service en salle. Les propositions des participants au concours ont été à la fois originales et riches, s’appuyant sur les exemples de maîtres d’hôtel et directeurs de salle réputés comme Jean-Marie Ancher, Esteban Valle, Benjamin Formé ou Franck Girodias entre autres.
Le dossier gagnant, issu du travail de Léonie Davault et Margot Pruvot, propose donc de se réinventer autour d’un concept où le restaurant est attractif grâce à son service en salle original, tout en étant basé sur une ambiance « Food Court » : le consommateur choisit son repas aux comptoirs à thème de son choix puis s’assoit à l’une des tables dans l’espace commun de consommation. Chacun de ces comptoirs, proposant un thème précis et une décoration en lien, est ouvert sur la salle et accorde une importance particulière aux techniques d’animation en salle emblématiques tout en étant innovantes.
S’appuyant sur une équipe de cuisine commune à tous les comptoirs, très restreinte et peu aguerrie pour s’adapter au contexte imposé de ce sujet 2025, Margot et Léonie proposent, par exemple, le tartare de daurade réalisé à la commande ou les gambas flambées à l’anis au « comptoir méditerranéen », le gigot d’agneau rôti tranché à la demande ou le magret de canard flambé au « comptoir des viandes », les tagliatelles flambées travaillées en meule de parmesan ou la salade d’artichauts vinaigrette personnalisée à la minute au « comptoir végétarien », le Camembert flambé au Calvados ou la traditionnelle tête de moine au « comptoir des fromages », en passant par le « comptoir gourmand » et ses fruits flambés ou frais tranchés minute notamment.
La force de cette proposition, qui a convaincu le jury, tient au spectacle proposé à la clientèle s’appuyant sur la capacité du personnel de salle à travailler la finition des mets avec élégance tout en communiquant avec les clients avec aisance pour valoriser à la fois les produits et leurs producteurs, mais aussi pour mettre en avant les savoir-faire complémentaires de chaque membre de cette équipe de salle. Dans ce cadre, l’individualisation ne remplace pas l’objectif commun : offrir une expérience inoubliable aux clients. Au contraire, elle renforce cet objectif en permettant à̀ chaque salarié de contribuer de manière unique à leur satisfaction. Les différences individuelles deviennent alors une force collective, où chacun apporte sa pierre à l’édifice.