Formé à la sommellerie à l’école de Tain-l’Hermitage, Aurélien Massé travaille depuis 10 ans pour le Groupe Frenchie. Aujourd’hui responsable des achats vins, il gère les 5 établissements à Paris et Londres, et s’est associé au chef Grégory Marchand pour la cave. Réouverture, formation du personnel, adaptabilité, vision du métier, Aurélien Massé témoigne pour Un oeil en salle.
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Un œil en salle : Le Groupe Frenchie s’est très vite adapté au contexte. Comment vivez-vous cette période ?
Aurélien Massé : Dès qu’on a pu faire de la vente à emporter, fin mai 2020, Grégory Marchand a été très réactif. Il a adapté le menu, les produits, le système pour réchauffer les plats, les gommettes de couleurs pour faciliter la réchauffe… On a de la chance chez Frenchie car nous avons 4 restaurants, mais aussi une cave (ouverte en 2016, à laquelle il est associé au chef, NDLR) – qui fonctionne très bien en cette période. On a doublé notre chiffre d’affaires par rapport à l’an dernier ; on ne va pas s’en plaindre, ça ne rattrape pas la perte des fermetures… Mais en tout cas, on continue à goûter, on se déplace dans le vignoble, et ça permet de rester actif – très important dans notre métier ! Nos restaurants sont également ouverts, dont l’étoilé Frenchie transformé en « Frenchie at Home » avec une offre à emporter ou en livraison avec TipToque le soir (40 à 120 couverts par jour), et Frenchie To Go toute la journée (300 couverts). Lors du premier confinement, j’étais à l’Île-de-Ré pendant 3 mois, et j’ai complètement décroché. Tu perds en dégustation… Depuis que j’ai repris, je suis assez sollicité, et je n’ai jamais été autant aiguisé ! Je goûte plus que d’habitude ; les vignerons ont du temps, nous aussi.
Vous êtes le plus souvent à la cave Frenchie, comment gérez-vous les achats vins avec les restaurants ?
A.M : La cave cartonne ! Notre sélection de vins à emporter du restaurant plaît aussi ; il y a des références communes avec la cave, mais certaines sont sous allocations, et donc en petites quantités, donc on les garde pour notre clientèle Frenchie. Nous distillons nos vins en fonction des adresses. Gregory Marchand me fait confiance, et c’est une chance car je peux choisir les flacons que j’apprécie sans aucune obligation. On compte 250 références en cave, et environ 600 pour les restaurants, les bars à vins et le stock de garde. Sans oublier notre cave de vieillissement avec près de 5 000 bouteilles où nous avons des verticales sur 10 millésimes. Un vrai plaisir ! Ça permet de proposer des vins à maturité à des prix très cools.
Parlez-nous de l’avant Frenchie ?
A.M : Depuis 10 ans, je suis chef sommelier et responsable des achats vins pour le Groupe Frenchie – je me suis récemment donné le titre de « Wine Doctor » (rires), « c’est Greg qui m’appelle comme ça, NDLR), et associé au chef pour la cave à vins dès l’ouverture en 2017. J’avais envie de cette association, comme tout projet, on a envie d’une certaine reconnaissance pour s’investir encore plus, et rester. Avant, j’ai travaillé pour un Château à Bordeaux (33), très intéressant pour ma carrière, mais gustativement, je n’ai pas appris grand-chose – mise à part ce que je n’aimais pas. J’ai aussi fait une étape en tant que sommelier au Constance Belle Mare à l’île Maurice, et pour l’Hôtel du vin créé par Gérard Basset en Angleterre. J’ai également bossé pour Riedel – j’ai un parcours assez atypique dans le milieu de la sommellerie. Ça été enrichissant de travailler pour cette marque car j’ai pu accéder à beaucoup de dégustations…
« Acheter pour une cave, ce n’est pas acheter pour un restaurant. »
Qu’avez-vous appris de votre parcours « atypique » ?
A.M : Pendant ces 10 années, chez Frenchie, j’ai appris à acheter – au-delà du métier de sommelier ! C’est la base de notre métier. Mais un bon sommelier, ce n’est pas forcément un bon acheteur ! C’est justement ce qui manque, et ce qu’on n’apprend pas en formation… Quand tu es chef sommelier, tu achètes, mais ton patron va te demander de faire gagner de l’argent à l’entreprise, et que les clients soient contents. Ce n’est pas pour m’envoyer des fleurs, mais depuis 10 ans, j’ai eu une marge de progression en ce sens. Ça été très formateur. D’acheter tout petit au départ, puis plus gros avec l’évolution du Groupe Frenchie, mais également d’acheter différent en fonction des adresses. Acheter pour une cave, ce n’est pas acheter pour un restaurant. L’offre n’est pas la même, les coefficients ne sont pas les mêmes. Par exemple, chez un caviste, on doit trouver une bouteille à 8 balles.
La réouverture, comment l’appréhendez-vous ? Pour les clients et les équipes ?
A.M : Tout le monde a envie de travailler. Mais ça va être compliqué, je pense, avec les équipes, car beaucoup n’ont pas travaillé depuis plus d’un an. Chez Frenchie, une partie est au chômage partiel. Mon équipe de sommellerie (5 à Paris) a pu bosser en cave. Les gens de la restauration ont vu ce que c’était de ne pas travailler, ou en tout cas d’avoir des horaires normaux, du coup je crains que certains arrêtent. On va se retrouver avec une masse salariale qui ne sera pas formée, et… je ne sais pas comment ça va se passer. J’en ai aucune idée. Déjà que c’était la galère de trouver du staff, donc là… on va voir à la reprise. Il y aura aussi des gens qui vont être sur le marché. Il faudra trouver les bons éléments. L’important c’est d’avoir les bonnes personnes, des bons leaders, qui motivent les équipes…