Après avoir passé 43 ans derrière un bar, dont 29 à la tête de l’iconique Hemingway du Ritz Paris qu’il a quitté en juin dernier, le charismatique barman Colin Field réalise un virage dans sa carrière. Aujourd’hui consultant la semaine et invité permanent à la Maison Proust chaque vendredi soir, il dispose à 62 ans d’une énergie débordante, et vient même de terminer sa propre vente aux enchères chez Christie’s, estimée à 497 448 €. Portrait d’un homme pressé par le temps.
Pour la passion des rencontres et des cocktails sur-mesure, l’heure n’est cependant pas venu de raccrocher les shakers. Consultant la semaine et derrière le bar de la Maison Proust le vendredi soir, Colin parcourt le monde, réalisant ses missions partout où de belles aventures pourraient être vécues. Trois fois nommé « Meilleur Bartender du Monde » par le magazine Forbes, l’homme de 62 ans bouillonne d’idées, de projets et de sollicitations, s’appuyant même sur un assistant pour prendre ses rendez-vous. « Depuis toujours, ma spécialité est d’augmenter le niveau de service des établissements dans lesquels je travaille pour les porter à leur maximum. Je l’ai fait au Ritz, dans d’autres bars avant cela et je continue à le faire… », dit-il. Si les rendez-vous semblent s’enchaîner dans la vie de Colin Field, deux sujets lui font abandonner la notion du temps : tisser des relations riches avec « ses » clients et passer du temps avec sa famille. « Travailler 18 heures par jour et oublier ma vie de famille est une erreur que je ne referai pas », confie ce père de trois enfants. Il ne faut pas payer ce prix juste pour réussir son travail ! » Une vision qui le pousse à sélectionner six missions maximum par mois, aussi bien à Courchevel, Toronto, en Asie ou même récemment au Michigan, afin de préserver son équilibre.
Un homme de réseaux
Des établissements auxquels il apporte son expertise, son goût pour créer l’identité d’un bar et aussi sa visibilité médiatique. « Un bon bartender doit être un hôte, mais aussi un communiquant. Nous devons être visibles dans notre métier et les clients doivent savoir où nous sommes. Le chef bartender et son équipe sont l’identité d’un lieu ! Franck Meyer, le premier barman du Ritz Paris, disait : ‘Quand le chef bartender entre dans la pièce, tout le monde doit savoir que c’est lui le chef bartender’ », insiste cet homme à l’accent marquant, clin d’oeil à ses origines anglaises. Sa réputation, il l’a établie derrière l’iconique bar Hemingway du Ritz Paris durant 29 ans, de 1994 à 2023. « À mon arrivée, la mission était avant tout d’augmenter le niveau de service. Nous avons créé des cocktails uniques réalisables en moins d’une minute. Nous avons été les premiers à utiliser des verres congelés, des pinces de bar, à servir une eau de concombre en verre d’accueil. Nous avons également augmenté la taille des verres et la qualité du service en général, ce qui s’est ensuite répandu dans les autres services de l’hôtel« , se souvient celui qui ne se cache pas d’aimer la lumière. Il n’est donc pas rare de voir Colin Field dans la presse, animer une conférence ou partager un verre avec certains des artistes les plus connus au monde. Dans sa vie comme derrière le bar, il a façonné son image comme le fait Kate Moss, l’une de ses sources d’inspiration. Un savant mélange entre une expertise pointue dans son métier et une personnalité pleine et entière qui séduit son public. Il a également été à l’origine de la création du MAF en 2010 et du MOF en 2011, et accepte volontiers d’être le parrain comme tout récemment pour l’édition 2023 de La Scott de l’association des barmen de France (ABF). Longtemps considéré comme le « Poulidor » des concours de bar, comme il se définit lui-même, tant il a collectionné les deuxièmes places (La Scott et le Grand Prix Martini en 1982, NDLR) , Colin Field prouve que l’on peut réussir, être connu et reconnu dans son industrie. Mais aussi que l’âge de la retraite n’est pas une halte à la passion…
Mieux connaître Colin Field…
Quel cocktail préférez-vous boire : Cela dépend de la façon dont je suis habillé, de qui se trouve en face de moi et du message que je souhaite renvoyer à cette personne.
Quel cocktail préférez-vous réaliser : Celui qui convient à la personne devant moi. Beaucoup de bars ont à cœur de réaliser des cocktails réguliers. Cela reviendrait à faire une veste et attendre que quelqu’un ayant la bonne taille passe la porte pour l’essayer. C’est du prêt-à-porter. Pour ma part, je préfère la haute couture.
Une personne qui vous a inspirée : Kate Moss, pour son talent et sa personnalité
Votre livre de poche du moment : Le Prisonnier de Marcel Proust. Je suis plutôt lecteur d’Hemingway, mais je me suis mis à Proust il y a quelques temps.
Votre boisson « coupable« : Si j’en avais une, je ne le dirais pas !
Le lieu le plus insolite où vous avez réalisé un cocktail : À 33 000 pieds de la terre ferme, à bord d’un A380.
Votre anecdote la plus insolite derrière le bar Hemingway : Les moments passés avec Bruce Willis. Il me disait toujours que les deux meilleurs métiers du monde étaient acteur et bartender. J’ai pu faire les deux et il avait bien raison !
Sa bio en dates :
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17 mai 1961 : naissance en Angleterre
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1982 : médaille d'argent à la Coupe Scott ; médaille d'argent pour le titre mondial Grand Prix Martini
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25 août 1994 : chef barman à l'Hemingway du Ritz Paris
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2001 : sorti de son ouvrage "The Cocktails of the Ritz Paris" aux Éditions du Chêne
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2010 : sorti de son ouvrage "Les cocktails, une histoire simple" aux éditions de La Martinière
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2011 : premier barman à être publié dans la version française de Who's Who ; participe à la créatition de la classe "barman" du titre Un des Meilleurs Ouvriers de France
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juin 2023 : quitte l'Hemingway du Ritz Paris
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