Dans le cadre d’une intervention à l’Institut des Hautes Études de Glion (Suisse), la designer Sylvie Amar (Sylvie Amar Studio) s’est penchée sur la sélection, l’entretien et le rangement des arts de la table en 3 points.
1/ Définir son propre cahier des charges
« Il n’y a pas à se dire « J’aime ou Je n’aime pas ? » Seules les contraintes du cahier des charges doivent être prises en compte dans le choix des arts de la table », dit Sylvie Amar. Voici les nombreux éléments à retenir :
- Le nombre de couverts du restaurant
- Le nombre de personnes en salle et à la plonge
- Le type de machine utilisée à la plonge (brunisseur, …) ou à la main, et son temps
- Le changement voulu en fonction des saisons
- Le type de cuisine (gastronomique, traditionnelle, brasserie, …)
- La place pour le rangement
Nota : La solidité et la portabilité (le côté fonctionnel) du produit font généralement la différence !
2/ Savoir reconnaître les matériaux et leurs fournisseurs
« Il faut apprendre à les visualiser pour voir si ça rentre dans le cahier des charges, et connaître aussi leur entretien. Exemples : des assiettes en porcelaine de Limoges, en grès, en faïence… ; des couverts en argent, en inox… ; des verres/gobelets en verre moulé ou soufflé, en cristal, en Krysta, en étain… », poursuit-elle. Le poids, la couleur et le toucher matière (sensation désirée en bouche) sont souvent décisifs dans le choix des matériaux.
Nota : Privilégier son propre cahier des fournisseurs (Christofle, Gien, La Rochère, Bucci, Schonwald, Revol, Montgolfier, liste non exhaustive) -> identifier les matériaux par fournisseur.
3/ Bien nettoyer et ranger
Nous parlons de bons réflexes mais ils ne sont pas souvent appliqués :
- Avoir des papiers ou petites mousses pour séparer les assiettes
- Mettre un linge sur les verres
- Ne pas empiler les couverts, mais les aligner
« Le nettoyage est très important. Il faut étudier les produits lessiviels, les adapter en fonction des arts de la table choisis ; et regarder l’eau utilisée (trop de calcaire ou non) pour laver », dit-elle.
Nota : Récupérer les fiches d’entretien ou de rangement auprès des fournisseurs ! Par exemples, le Studio William (couverts anglais) dispose d’une fiche pour bien aligner les couverts, tandis que Bernardaud a son guide d’utilisation et d’entretien de la porcelaine. Dès la conception du restaurant, penser à demander aux architectes des offices plus grands pour le stockage ou le rangement.
« Raconter un storytelling selon un scénario »
Après la théorie, place à la pratique ! Les étudiants de l’Institut des Hautes Études de Glion, qui n’ont que 15 jours de restaurant dans leur cursus, se sont prêtés au jeu : réaliser une mise en scène selon des arts de la table sélectionnés, et raconter une histoire. Ils avaient 30 minutes pour faire un scénario sur un thème libre + 2 minutes de présentation à l’oral. Un étudiant chinois a présenté une table d’un déjeuner de tradition lié à son pays après un enterrement ; tandis que d’autres ont proposé une table de déjeuner « simple » avant de se marier le lendemain. Chacun avec son point de vue.
Parmi les critères de notation : la cohérence de la table avec l’établissement dans lequel on travaille, mais aussi avec la cuisine servie et les clients reçus. « Il faut avoir une part de liberté sinon toute table se ressemblerait. Après ce sont des détails : le décor trop proche des verres, être confortable avec la mise en place, etc. Il n’a pas de code (fourchette à gauche, couteau à droite ; 2 verres sur table, l’un à vin, le second à eau…) sur les arts de la table à la française à proprement parlé, du moment que l’histoire se tient. Dans la restauration, les arts de la table font partie du business model », conclut Sylvie Amar.
Focus : les tendances arts de la table repérées
- 35% des nouveaux étoilés Michelin 2018 n’ont pas de nappe !
- Les mini-offices décentralisés : des stocks de couverts posés au centre de table ou dans un tiroir sous la table => le client se sert lui-même
- Des matériaux omniprésents : le grès, le métallisé, le marbre, la pierre
- Des formes imprécises : les objets sont déformés, volontairement accidentés grâce au travail de la main humaine
- Des couleurs vives : des assiettes ou bols colorés à souhait
- Des serviettes aux pliages simples
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Chantal Wittmann (Institut de Glion, Suisse) : « Je n’ai jamais rien laissé au hasard »
4 commentaires
Superbe !
merci Sylvie Merci Hélène
travaillons tous à re-donner ses lettres de noblesses à l’art de la salle (accueil,écoute,déco, savoir vivre)
on va au restaurant pour bien manger mais aussi pour être bien !
a très vite
Merci Paul pour votre message !
A très bientôt,
Hélène
rien n’est laissé au hasard…j’avais vu çà au concours avec la superbe table à Chantilly, ville où j’ai vécu 5 ans et donc j’ai vu l’ampleur du travail… je vois que tu n’as pas perdu la main. au plaisir de se revoir. JP Déquesnes