Directeur de salle du restaurant Alain Ducasse au Plaza Athénée, Denis Courtiade est aussi et surtout le président-fondateur de Ô service – des talents de demain, lancée en 2012. À l’approche de leur assemblée générale le 24 juin prochain, il s’exprime pour Un œil en salle sur l’évolution de l’association et ses projets. Grand entretien.
Un œil en salle : Quel recul avez-vous depuis la création de Ô service ?
Denis Courtiade : Les années sont de plus en plus chargées. Les événements se greffent au fur et à mesure. Les graines semées avec Ô service portent aujourd’hui leurs fruits. Comprendre que ce que nous faisons, ne laisse pas l’industrie insensible. Nous avons réussi à nous prendre en main, à définir quelle était notre vision et à la partager au plus grand nombre. Des institutions ou des entreprises s’intéressent à nos actions, en voulant nous aider, coopter, échanger ou utiliser nos réseaux. Le réseau a une expertise et un savoir-faire.
L’ADN de l’association « créer du lien entre les écoles et les entreprises » n’a donc pas changé…
DC : Cet ADN est toujours le même : le décloisonnement, que je trouve génial, entre les écoles et les entreprises, et la mise en lumière des enseignants/formateurs qui n’en ont pas forcément dans leurs établissements. Parce qu’il y a ce côté « chapelle » ; au-dessus de l’enseignant qui a du talent, il y a un chef d’établissement, et au-dessus de lui il y a un proviseur, et encore au-dessus il y a une institution. On parle souvent de projet d’école, mais pas qui en est à l’origine. Ô service souhaite être à leur écoute, et répondre aux visites entreprises.
Justement, qui fait les visites-entreprises à Ô service ?
DC : Tous les professionnels de salle-membres qui le peuvent. Je n’ai jamais eu autant de demandes d’enseignants qui osaient faire une visite restaurant avec leurs jeunes. Ce qui veut dire, qu’à travers ce réseau, nous sommes ouverts. En fonction du type de restaurant souhaité, nous mettons en relation. Il n’y a jamais eu autant d’ouverture. C’est une manière aussi de toucher les jeunes, d’aller vers eux, et de les suivre. Il faut rendre les choses simples et accessibles !
Qui est derrière Ô service ? Denis Courtiade, un bureau ?
DC : Dans une association, il faut un leader. Un président est responsable d’atteindre les objectifs. C’est à lui de faire tout ce qu’il faut pour que ça fonctionne. À mes côtés depuis la création en 2012, nous avons un conseil d’administration qui s’est étoffé avec le temps, au nombre de 15 personnes aujourd’hui. Avec une réelle volonté de tendre à une parfaite parité. Ô service est un collectif, et n’avance pas pour des Hommes, mais pour une cause ! Je suis un tout. À travers ma présence en tant qu’individu, c’est l’association qui est représentée. En dehors de mes services (7 par semaine) au Plaza Athénée (VIIIe), j’ai la liberté de pouvoir m’investir pour l’association.
Qui sont les nouveaux membres du bureau ?
DC : J’ai officialisé l’arrivée de Caroline Ravenet au statut du développement à l’international. Via nos « pionniers » déjà sur place, nous allonscréer des fiches « pays » sur le mur des ambassadeurs ; la première, le Canada (Québec), mutualise des informations pour travailler là-bas. Ces fiches permettent de donner des pistes et des contacts aux jeunes qui veulent s’expatrier. Les prochaines : Angleterre (Londres), Japon (Tokyo), Maroc (Marrakech), Hong-Kong (Macao), Dubai (U.A.E.), Bangkok (Thailande)… Les français sont partout, mettons-les tous en lien et en réseau. Derrière tout cela, il y a aussi notre farouche volonté de valoriser le service à la française qui nous est si cher.
Combien y a-t-il d’ambassadeurs ? Et comment l’être ?
DC : Il y a 115 ambassadeurs. Ça se développe bien. Être ambassadeur, ce n’est pas une demande. Ça se fait naturellement. Il faut que la personne fasse des actions de promotion, de valorisation du métier – qui soient connus ou reconnus ne serait-ce que localement. Des gens qui font un travail de fond pour et avec la profession. Pas en solo. Si tel est le cas, le potentiel ambassadeur apparait de ce fait sur notre « radar ».
Et les adhérents ?
DC : Pour l’être, il faut bien sûr adhérer (50 euros pour les professionnels, 25 euros pour les étudiants, NDLR). Nous avons 180 adhérents. Ô service est visible via son site web, et ses réseaux sociaux. Sachant que ces outils sont gratuits, on capitalise dessus pour la visibilité, être connu, reconnu et sollicité. Et de manière à s’inscrire dans le paysage durablement. Quoi qu’il en soit, nous avons besoin de vos contributions pour aider au développement de notre association.
Quel projet allez-vous lancer en 2019 ?
La prochaine assemblée générale Ô service se tiendra le 24 juin au Pavillon Dauphine à Paris (XVIe). L’an dernier, nous avions lancé le Trophée du jeune talent remis à Élise Derrac. Cette année, nous allons recommencer avec 3 autres prix : le trophée Transmission pour un enseignant/formateur ; le projet école avec un établissement qui a fait une action innovante ; le « coup de cœur » pour une personne ou un événement particulier. Nous avons sollicité de jeunes talents du Lycée des Métiers Galiléede Gennevilliers (92) pour réaliser les trophées Ô service pour amplifier le projet sociétal de notre démarche. Merci à leurs encadrants Murielle Böck et David Marie d’avoir rendu ce projet possible.
Le format de l’assemblée générale évolue-t-il ?
DC : Déjà en 2018, la configuration avait évolué : formel le matin avec des échanges/débats, informel l’après-midi avec un cocktail déjeunatoire mis en scène par Saint Clair-le Traiteur. Les retours étaient positifs, nous allons donc rester sur la même chose, un rendez-vous amical et ouvert. Plusieurs intervenants se succéderont le matin. Des jeunes des écoles hôtelières de province et Paris seront également là pour faire des ateliers autour des arts de la table et des techniques de salle. Merci également à nos partenaires qui nous aident à rendre les choses possibles, je pense à Eric Prevotel (Saint Clair), Gilles Belle (Nespresso), Alexis Lalo (Relais & Châteaux).
Plusieurs événements sur la valorisation du service se sont tenus cette année, quel est le constat de Ô service ?
DC : La profession bouge, ce qui veut dire que les métiers de salle ont leur place et ont des choses à dire. L’événement Michelin, qui a remis ses premiers prix du service et de la sommellerie en janvier dernier, en est la preuve. D’autres actions, comme Deciday avec le Fafih, sont intéressantes pour l’association qui s’engage encore plus dans la formation. Nous devons signer une convention de partenariat avec l’éducation nationale – en attente à ce jour. Il y a aussi Equip Hôtel, le Sirha, le lancement de l’EHTP, concours de l’ANPCR, la semaine du goût, la Fête de la gastronomie, Tous au restaurant… Nous participons aussi à des événements caritatifs, Croq l’Espoir 2019 auquel j’étais parrain et plus largement Ô service. Depuis trois ans, Les Grandes Tables du Monde remettent un prix du Meilleur directeur de salle (François Pipala en 2016, Louis Villeneuve en 2017, Denis Courtiade en 2018, NDLR). Sans oublier la 11ème édition de notre concours « Il était une fois le maître d’hôtel de demain » qui avait pour thématique cette année « La reconnaissance d’aujourd’hui conduit à la fidélisation de demain ». Avec Corinne Hacquemand, cheffe de projet, nous avons établi le constat suivant : « la reconnaissance silencieuse ne sert à personne », citation si chère à l’écrivaine Gladys Bronwyn Stern. Tout cela créé un élan pour nos métiers du service et de l’accueil. Parler de la profession, la faire perdurer, la légitimer.
Quel est le rôle de Ô service au Trophée du Maître d’Hôtel ?
DC : Nous étions ravis du succès de la deuxième édition au Sirha 2019, remportée par Benoit Brochard. Ô service est partenaire du concours, organisé par l’associationService à la française. Nous continuons sur la lancée. Ô service participe à d’autres concours, le MAF restaurant, le Concours général des métiers, les Escoffiers, la Meilleure Brigade de France…
Qu’est-ce qui fait que la profession peine à s’exprimer dans les médias ?
DC : Nous n’avons pas un métier de démonstration. Le discours, on l’a. J’expliquais dernièrement en vidéo : ‘Le meilleur service que l’on puisse avoir, c’est celui qu’on ne ressent pas’. J’ai été presque invisible, et pourtant, je les ai parfaitement servis… C’est super dur de l’expliquer aux médias. Comment mettre ça en avant ? À l’inverse, un(e) pâtissièr(e) habillé(e) en blancva dresser un joli dessert – que l’on va goûter. Ça n’a pas la même résonnance. Notre métier est compliqué à matérialiser, à symboliser. Je parle davantage des valeurs humaines, de l’esprit d’équipe – qui ont un sens, à mon avis. À nous de créer de l’actualité « positive » pour les faire venir à nous !
Et demain, un sujet qui vous tient à cœur ?
DC : Oui, je parlerai de l’actuel, celui que nous sommes en train de mettre en place avec mon assistante Rita pour la rentrée de septembre. Nous travaillons sur le thème du « commis de restaurant ». Deux écoles (province et Paris), des jeunes apprenants, des professionnels, un support média… Ensemble, nous allons faire des travaux de réhabilitation de cette fonction si essentielle à notre profession. Le constat est fait : les jeunes professionnels ne souhaitent plus passer par « la case » commis. Ils veulent directement être chef de rang ! Sont-ils encouragés dans cette stratégie ? Savent-ils vraiment ce qu’est être chef de rang ? Pourquoi confondent-ils le travail du commis et le rôle du runner ? De nos jours, être commis, est-ce sincèrement un job sexy ? Entre incompréhension, mauvaise considération, manque de valorisation, nous allons tout remettre à plat, car nous sommes tous responsables de la désaffection pour ce statut.
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Infos pratiques :
Assemblée générale Ô service – des talents de demain, le 24 juin 2019, Pavillon Dauphine Saint Clair, 2 Place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75116 Paris – https://oservice.fr
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