Le défi d’aujourd’hui est de créer une expérience nouvelle à son futur employé, au même titre que pour sa clientèle. Les attentes de la génération actuelle sont différentes d’hier. Montrer plutôt qu’expliquer. Exemples d’initiatives terrain évoqués au dernier congrès des Grandes Tables du Monde. Article paru dans le magazine Un oeil en salle N°8
« Un jeune qui a 20 ans en 2020 n’a pas les mêmes envies, ni les mêmes attentes qu’une personne ayant eu 20 ans en 1985. Le monde a évolué, et il faut faire le deuil de ce qui a disparu ! » Sophie Audubert, consultante pour Restarto, ne mâche pas ses mots face une vingtaine de restaurateurs, présents à l’occasion du congrès 2019 des Grandes Tables du Monde, le 14 octobre dernier. Le recrutement est l’un des enjeux majeurs des hôtels-restaurants. À l’heure où le secteur peine à trouver des collaborateurs, il faut paradoxalement penser à une nouvelle manière d’embaucher, en prenant en considération que les volontés d’hier ne sont plus aussi évidentes qu’aujourd’hui. « Au même titre qu’une expérience client, qui est un processus continu en 7 étapes (rêver, planifier, réserver, préparer, consommer, partager et revenir), il est également important de créer une expérience collaborateur ! Le suivre dans son parcours d’intégration, avant, pendant et après son arrivée. Par exemple : si vous avez oublié sa clé de vestiaire, ça peut paraître futile pour vous, mais pour lui c’est tout l’inverse. Il ne se sentira pas accueilli, signe d’un premier contact raté, rempile-t-elle. Vous devez donner une place à la fonction RH. C’est un métier ! » Selon Sophie Audubert, les employeurs doivent travailler sur un mode « agile ».
Il n’y a plus de fidélisation
Lors de l’atelier, elle propose ainsi de réfléchir sur le profil d’un(e) chef de rang de moins de 30 ans. Quelles sont ses motivations ? « Tout, tout de suite », dit Vincent Le Roux, directeur général du restaurant Paul Bocuse à Collonges- au-Mont-d’Or (69). « À mon époque, je me projetais directeur de salle dans le futur. La génération actuelle a moins d’ambition », poursuit Nicolas Brossard, copropriétaire du restaurant Christopher Coutanceau à La Rochelle (17). « Ce n’est pas lié à l’éducation. Je regrette le problème de formation ; certains professeurs d’écoles hôtelières n’ont parfois pas voire peu d’expérience terrain avant de former à leur tour. C’est dommageable », indique quant à lui Jean-Alain Baccon, codirecteur général de K2 Collection à Courchevel (73). « Je prends des apprentis, ce qui permet de les former très jeunes dans l’idée de les garder », poursuit Mathieu Guibert, chef propriétaire à Anne de Bretagne à La Plaine-sur-Mer (44). « Il reste un voire deux ans grand maximum dans une maison », se désole Christophe Bacquié, chef au restaurant Christophe Bacquié au Castellet (83).
En somme, les points positifs cités tournent autour des valeurs, de l’engagement, du sourire, de l’enthousiasme ; les points critiques sur l’attentisme, le « zapping », la question du « manque d’engagement », d’attentes irréalistes d’évolutions immédiates… « Je le répète : les attentes d’hier – qui sont vos attentes – ne sont plus celles d’aujourd’hui. Comme une courte expérience client, l’expérience du collaborateur peut être, elle aussi, diminuée. Certains jeunes vont s’intéresser à un CDD de 9 mois », tempère Sophie Audubert. En définitive, quels sont leurs facteurs de motivation au travail ? Le jeune du xxi siècle a besoin d’un équilibre vie privée/vie professionnelle, d’un environnement de travail agréable, des horaires flexibles, d’une mission, d’un sens à sa fonction et de valeurs… « Impliquez-le et demandez-lui son avis. Faites travailler le collaborateur avec ses émotions. Connectez la relation humaine avant d’agir, dit la consultante, tout en expliquant qu’un jeune se remettait en cause tous les 6 mois. Nicole Klein, directrice de la Villa René Lalique à Wingen-sur-Moder (67), a bien compris cet enjeu, et a « mis en place un cahier de smileys auprès du personnel de salle. À chaque service, chacun s’exprime avec un smiley pour libérer la parole. Et ça fonctionne. » La forme compte plus que le fond. Aujourd’hui, les explications ne servent plus à grand-chose. Questionner, montrer : telle est la nouvelle façon de manager.
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