Il a commencé par des extras en salle avant d’en faire son véritable métier. Autodidacte, Oliver Prodhon, qui fêtera ses 14 ans au sein du Groupe Cyril Lignac en 2020, a eu l’opportunité d’évoluer aux côtés du médiatique chef Cyril Lignac. Aujourd’hui directeur de la restauration, il gère avec passion 4 restaurants, de l’univers étoilé jusqu’au bistrot.
Article paru dans le magazine Un oeil en salle N°7
Un œil en salle : Comment passe- t-on d’un cursus général à la restauration ?
Oliver Prodhon : Après un baccalauréat S, j’ai fait une fac de biologie sur le campus de Jussieu, puis une fac d’économie-gestion à la Sorbonne. Mes deux parents étaient dans l’hôtellerie – mon père au Balzac et ma mère au George V –, je voulais faire de la restauration… Étant doué à l’école, et sachant que ma famille me disait que leur métier était compli- qué, j’ai voulu continuer les études. C’était très intéressant, mais ça manquait de contact humain. Être tout seul dans un laboratoire sans personne à qui parler, ça me dérangeait. Et puis, je ne voyais pas de débouchés en économie-gestion. J’avais besoin de bouger. J’ai commencé par des extras au Buddha-Bar à Paris (VIIIe) pour payer ma scolarité.
Est-ce vos extras en salle qui ont déclenché un intérêt pour le métier ?
OP : On rentre dans une maison, on trouve que c’est simple, on a différentes propositions. L’une d’elles était l’ouverture du Buddha- Bar à New York, qui a été annulée entre temps. À Paris, j’ai pu évoluer du bar au service. Jusqu’au jour où David Van de Kapelle (directeur administratif, financier, technique et associé), en partance pour l’ouverture du premier restaurant de Cyril Lignac, me propose de le rejoindre au Quinzième à Paris (xve). J’ai accepté un an après, en 2006, en qualité de chef de rang.
Quel a été votre premier contact avec Cyril Lignac ?
OP : Je connaissais bien sûr le chef de par son émission Oui Chef ! J’ai rejoint naturellement le navire, qui était une petite barque au départ (rires), avec l’ambition de devenir un Groupe. Je considère Cyril Lignac comme un artiste. Il peut peindre un tableau, on ne sait pas forcément où il veut aller, mais lui a déjà sa trajectoire. Il fonctionne à l’instinct, à l’affectif. J’adhère à 200 % à sa vision. C’est le papa de tous les employés ; on l’appelle Chef. Il a une vraie bienveillance pour ses clients et son personnel.
Le potentiel d’évolution vous a séduit ?
OP : Le challenge d’un groupe naissant, évolutif avec des projets d’avenir ne m’a pas laissé indifférent. J’aime les défis. Je suis passé maître d’hôtel à peine six mois après mon arrivée, puis directeur du restaurant six mois plus tard. En parallèle du Quinzième où nous visions l’étoile Michelin (2012, NDLR), je participais aussi aux ouvertures du Chardenoux (2008), Chardenoux des Prés (2011, rebaptisé Aux Prés en 2015) et Bar des Prés (2016).
Je crois que la routine peut rapidement décourager les gens.
Êtes-vous toujours dans l’opérationnel ?
OP : Bien sûr, et c’est ce que je préfère. Je suis passé directeur de la restauration en 2011. Je fais chaque service, midi et soir. Le reste de la journée, c’est l’administratif et autre gestion. Je tourne dans les restaurants ; si l’un est absent ou malade, je le remplace. Ça me permet d’être sur le terrain et de suivre les collaborateurs (60 employés au total, cuisine et salle), dont je connais leurs prénoms et noms. Ça implique aussi de gérer la vie des restaurants, de l’ouverture à la fermeture, les problèmes humains et techniques. L’opérationnel permet de vivre les choses. D’après moi, on ne manage pas ce que l’on ne connaît pas.
Vous vous appuyez sur une équipe stable ?
OP : Nous avons mis les bonnes personnes aux postes clés, issues de la promotion interne. Antranik Azadian (14 ans d’ancienneté) est directeur du Chardenoux, tandis que Sevan Jalfaji (10 ans) est directeur au Bar des Prés ; tous deux formés au Quinzième. On se donne à fond, on participe à un projet. On connaît l’ADN du Groupe (la diversité notamment, NDLR) et on en fait partie. Je crois que la routine peut rapidement décourager les gens. Le fait de les déplacer dans un autre établissement permet d’avoir une bouffée d’air frais et de leur redonner un dynamisme. Le chef fait confiance, et c’est plaisant.
Avec du recul, est-ce que le cursus hôtelier vous a manqué ?
OP : Par moments, oui. J’ai même pensé à faire une formation accélérée (pour les découpes, par exemple). Tous les jours, je suis entouré de professionnels ayant des expériences variées. Et je me dis que d’être autodidacte, c’est pas mal aussi… Il faut avoir une ouverture d’esprit, et ne pas rester cantonné à ce que l’on a appris à l’école. S’il y a bien quelque chose que j’ai appris en biologie, c’est de tout remettre en question du jour au lendemain. Aujourd’hui, on fonctionne d’une certaine manière. Demain, les codes auront certainement changé. L’adaptabilité est importante.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus ?
OP : À chaque service, on a la possibilité d’avoir quelqu’un de différent en face de nous. Des personnes de différents horizons qui auront fait la démarche de venir manger chez nous. On se doit encore plus d’être respectueux, de les comprendre, de les satisfaire, d’apporter une expérience qui leur donne envie de revenir.
Quelle est votre vision du service ?
OP : Peu importe le type de restauration, étoilé ou bistrot, le plaisir de faire du service doit être le même. Seuls les codes changent, mais la vision est identique : l’envie d’accueillir et de partager un bon moment avec les clients. Si on n’a pas envie de ça, je ne crois pas qu’il faille faire de la restauration.
Je n’ai pas besoin des concours, qui, à mon avis, vont trop au-delà du champ professionnel.
Aviez-vous un plan de carrière établi dans le Groupe Cyril Lignac ?
OP : J’ai une vision de la vie qui est assez simple. Les choses s’emboîtent. C’est une question de rencontres. On rencontre des gens comme on rencontre des clients. J’ai eu l’opportunité de croiser sur mon chemin David Van De Kapelle, puis Cyril Lignac, et de saisir les opportunités. Sans avoir à les demander. L’évolution s’est faite naturellement, car j’ai grandi avec le Groupe qui s’inscrit dans la diversité. Je fais partie de cette « famille » : 14 ans en 2020 ! Je ne me suis jamais projeté. J’apprends tous les jours, c’est ce qui m’enrichit.
Et les concours ?
OP : J’aime bien me surpasser au quotidien, mais je ne suis pas quelqu’un de concours. Pour le coup, je pense qu’il faut vraiment être dans un moule. J’ai de l’admiration pour ceux qui y participent, pour leur abnégation. Il faut aussi s’octroyer le temps de le faire. Aujourd’hui, je suis assez comblé dans ma vie ; j’ai une petite fille de 6 ans dont je m’occupe énormément. Je n’ai pas besoin des concours, qui, à mon avis, vont trop au-delà du champ professionnel.
Un conseil pour les jeunes ?
OP : Prenez du plaisir et éclatez-vous ! Si un client repart avec le prénom du person- nel, c’est qu’il ne s’est pas uniquement intéressé à l’assiette mais aussi au service. Chacun trouvera sa place dans un restau- rant. Tout est fait aujourd’hui pour se renseigner : les réseaux sociaux, Internet… Lisez la presse spécialisée, suivez des gens bienveillants pour le métier. Ayez la passion de l’humain…
Sa bio, en dates :
- 1981 : naissance à Neuilly-sur-Marne
- 1997-2000 : baccalauréat S au lycée Gaston Bachelard à Chelles (77)
- 2000-2001 : DEUG de biologie à la faculté de Jussieu à Paris (Ve)
- 2001-2002 : DEUG d’économie-gestion à l’université Paris 1 (XIIIe)
- 2001-2006 : chef de rang au Buddha-Bar à Paris (VIIIe)
- Mai 2006 – septembre 2006 : chef de rang au Quinzième à Paris (XVe)
- Septembre 2006 – février 2007 : maître d’hôtel au Quinzième à Paris (XVe)
- Février 2007-2011 : directeur du restaurant Le Quinzième et suivi des ouvertures Le Chardenoux (XIe) et Aux Prés (VIe)
- Depuis 2011 : directeur de la restauration du Groupe Cyril Lignac et gestion de l’ouverture du Bar des Prés
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