En 2019, cette rennaise de 24 ans a fait le choix de rentrer dans l’entreprise familiale aux côtés de son frère Mathieu Pérou. Un binôme « complice », l’une en salle, le second en cuisine, qui a décroché une pluie de distinctions entre 2021 et 2022 : une première étoile et une étoile verte au Guide Michelin, ainsi que le Prix spécial Michelin du service. Rencontre avec Anne-Charlotte Pérou, directrice du restaurant et copropriétaire du Manoir de la Régate à Nantes (44).
Un œil en salle : Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Anne-Charlotte Pérou : Après un baccalauréat et un BTS au lycée Nicolas Appert d’Orvault (44), j’ai fait une licence de commerce à Nantes, en alternance volontairement ici, au Manoir de la Régate, en tant que commerciale. Car je savais que j’allais revenir dans la maison familiale un jour, et je voulais toucher à tous les postes du restaurant. Puis, je suis partie en Australie pour apprendre la langue, avant de visiter Bali, la Malaisie et la Thaïlande. De retour en France, j’ai travaillé à Paris durant trois ans dans le restaurant étoilé de Cyril Lignac à Paris (XVe). De commis de salle, j’ai monté les échelons jusqu’au poste d’assistant maître d’hôtel. J’ai eu beaucoup de chance de rencontrer le directeur de restaurant, Benjamin Aroua, « mon mentor » auprès de qui j’ai beaucoup appris. Il m’a donné confiance en moi.
Quand avez-vous fait le choix de revenir au Manoir de la Régate ?
A-C P : Après cette expérience chez Cyril Lignac, la question s’est posée de rentrer au sein de la maison familiale ou bien d’apprendre ailleurs. Mon frère Mathieu m’a recontactée pour le rejoindre. J’ai toujours voulu revenir, mais à 24 ans, j’avais peur de ma jeunesse. Il y avait tellement de choses à voir avec des envies de partir à Londres ou même de travailler chez Anne-Sophie Pic à Valence (26). Mais en 2019, je suis finalement revenue aux sources ! Ce ne sont pas des regrets, pas du tout, je suis ravie même si je n’avais pas beaucoup de « bagage ».
Avec du recul, ce manque d’expérience a-t-il été un frein ?
A-C P : Finalement, on apprend tous les jours ! Je suis rentrée un peu stressée n’ayant pas vraiment pu gérer une équipe. Depuis 4 ans, j’ai mûri, et j’ai eu la chance dès le départ d’être épaulée de Stanislas Michaud, maître d’hôtel déjà en poste et qui a fêté ses 7 ans en janvier dernier. Il est mon bras droit. Nous sommes complémentaires sur la gestion de la salle ou le management des équipes. Et avec Mathieu, qui a pris la relève de notre père en 201 – lui-même travaillait avec son frère -, je forme également un binôme très complice ! Nous nous entendons très bien. C’est parfois plus simple de travailler entre frère et sœur, car il n’y a pas de détour, nous échangeons franchement, et nous ne perdons pas de temps (rires).
Quelle a été la raison de votre retour rapide ?
A-C P : Il y avait un manque d’effectif en salle. Nous avons recruté pour avoir une nouvelle équipe (6 collaborateurs en salle, 18 au total). Notre cheffe sommelière, Marie-Cécile Frampier, qui a reçu le Trophée de la sommellerie Gault & Millau Centre-Val de Loire 2022, est arrivée en juin 2022. Mathieu avait aussi envie d’aller plus loin. Nous avons obtenu notre première étoile et une étoile verte au Guide Michelin en 2021. Et l’année suivante, je recevais le Prix Michelin du service 2022. Nous avons aussi racheté l’établissement avec mon frère.
Vous avez eu une pluie de distinctions en 2021 et 2022, dont le Prix Michelin du service. Qu’est-ce que ça représente pour vous et votre frère ?
A-C P : C’est valorisant, nous y mettons tout notre cœur ! Avec Mathieu, le Manoir de la Régate est notre bébé. On a envie de le voir grandir ! Et on l’embellit avec ces jolis titres. En 2022, nous avons aussi ouvert une brasserie Le Café des Expos, dans le centre de Nantes, gérée en salle par mon mari. Une grosse année !
Qu’avez-vous apporté depuis votre arrivée ?
A-C P : J’ai pu mettre très vite mes idées en place. J’ai d’abord fait évoluer les tenues pour harmoniser l’ensemble de l’équipe. J’ai aussi mis en place le service au plateau, le service d’une table à deux, des petits détails du quotidien ou même des attentions pour les clients afin d’améliorer l’expérience. Nous faisons davantage de finitions en salle (service des jus…), mais l’idée est aussi de mettre en place des techniques. Ça fait partie des objectifs… Côté travaux, nous avons refait la cuisine au premier confinement, l’accueil et deux salons au second confinement. Parmi les projets : les toilettes. Nous y allons étape par étape.
L’équipe est âgée de moins de 30 ans. Est-ce que cette jeunesse est une force au quotidien ?
A-C P : Complétement ! En salle, les collaborateurs sont âgés de 20 à 31 ans. En cuisine, de 18 à 31 ans. Avec recul, j’ai fait de ma jeunesse, une force ! Avec l’idée de décomplexer le métier, je n’apporte pas un service guindé, pas parce que je n’aime pas ça, ce n’est pas péjoratif, mais plutôt parce que ça ne correspond pas à notre état d’esprit ! J’ai envie d’apporter un service impeccable, mais pas oppressant.
Avec l’équipe de salle, est-ce que vous vous retrouvez l’extérieur du restaurant ?
A-C P : Avec l’équipe, nous faisons des sorties (vignerons, pêcheurs de l’Erdre, agriculteurs…). On se rend compte davantage ce que l’on propose aux clients. J’avais un peu stoppé, ayant ma vie personnelle qui a évolué avec la naissance de ma première fille, Rose. Mais il est important de proposer des sorties extérieures.
Que peut-on vous souhaiter ?
A-C P : Nous avons à peine 30 ans Mathieu et moi. Nous avons l’avenir devant nous ! Nous sommes fiers du chemin accompli depuis que nous travaillons ensemble en 2019 ! Nous allons poursuivre en nous donnant les moyens. Parmi les projets, nous souhaitons créer une verrière et un espace d’attente plus cosy pour nos clients. C’est en réflexion.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune ?
A-C P : Nous faisons un très beau métier, car nous apportons du plaisir aux clients ! Nous transmettons l’identité d’un chef, c’est hyper valorisant. Quand on croit en quelque chose, il faut s’y donner à fond. Même si ce sont des contraintes, des heures – on travaille quand les autres s’amusent -, ça reste un métier passion, où le plaisir de faire plaisir n’a pas de prix. Participer au bonheur des hôtes, c’est une reconnaissance, un privilège.
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Voir la vidéo de fin de service avec Anne-Charlotte et Mathieu Pérou :
En fin de service au @lemanoirdelaregate , @annecharlotteperou et @mathieuperou reçoivent la visite (surprise) de deux artisans nantais @benjaminfely et @ambreceramique , mari et femme chacun spécialisé (l’un dans le bois, l’autre dans la céramique) qui font leurs arts de la table : ils découvrent la nouvelle assiette de présentation (écru avec un filet or), le beurrier en chêne et son nénuphar de l’Erdre (clin d’œil local) « La vaisselle est très importante ! J’attends qu’elle arrive pour penser mes plats ! », explique @mathieuperou ! « C’est un vrai plus dans l’expérience client. Nous n’avions pas d’assiette de présentation jusque-là… », poursuit @annecharlotteperou 💫
Sa bio en dates :
Bio express :
- 1995 : Naissance à Rennes (35)
- 2010-2015 : Baccalauréat technologique, puis BTS hôtellerie-restauration option B au lycée Nicolas Appert à Orvault (44)
- 2015-2016 : Licence de commerce à Nantes (44) en alternance au Manoir de la Régate
- 2017 : Voyage en Australie
- 2018 : Commis de salle, jusqu’à assistante maître d’hôtel chez Cyril Lignac à Paris
- 2019 : Directrice de salle au Manoir de la Régate à Nantes (44)
- 2021 : Obtention de la première étoile, et une étoile verte par le Guide Michelin
- 2022 : Prix du service Michelin / Rachat du Manoir de la Régate avec son frère Mathieu Pérou
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Infos pratiques :
- Le Manoir de La Régate
- 155 Route de Gachet, 44300 NANTES
- 02 40 18 02 97