En décembre prochain, Chloé Laroche, 26 ans, fêtera sa première année au sein de L’Astrance à Paris. C’est son premier poste de cheffe sommelière. Elle a participé à la réouverture d’un établissement réputé, dont le changement d’adresse rue de Longchamp était très attendu et qui a décroché son étoile Michelin en mars dernier, cogéré par le tandem Christophe Rohat et Pascal Barbot. Débriefing sur l’année qui vient de s’écouler d’une jeune femme au talent prometteur.
Un oeil en salle : Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Chloé Laroche : Après mon BTS Hôtellerie, que j’ai effectué au lycée hôtelier de Chamalières, j’ai bouclé une saison au Château de La Chèvre d’Or à Èze où j’ai découvert le monde fascinant de la sommellerie grâce au trio endiablé de sommeliers que forme Messieurs Philippe Magne, Claude Derien et Mathieu Selier. Cela a commencé avec un Château d’Yquem 1997, que Mathieu m’a invité à goûter, et quelques gouttes ont suffi à illuminer mes perspectives : ce sera ça mon métier ! À la suite de quoi je me suis lancée tête la première dans une année intensive d’étude de la sommellerie, qui m’a guidée en Bourgogne chez la famille Loiseau, puis à Paris en 2019. J’ai alors passé trois ans et demi à l’Hôtel Le Bristol, précisément à Épicure, merveilleusement guidé par le chef Éric Frechon depuis plus de vingt ans. Les plus beaux flacons en cave, les mets les plus délicats sur la table, il est difficile de trouver meilleure école pour apprendre les métiers de bouche et frôler le firmament de la profession. C’est fin 2022 que L’Astrance se présente naturellement à moi.
L’Astrance est votre premier poste de cheffe sommelière. Une fierté ?
CL : Une expérience que j’accueille à bras ouverts. L’Astrance rouvrait ses portes, tout était à (re)construire : nouveau restaurant, nouvelle équipe, nouvelle carte, nouveaux clients. Les premiers mois ont été difficiles évidemment, plutôt dans une démarche d’adaptation et de familiarisation. Les liens entre les équipes se sont rapidement créés et nous obtenons la première étoile en mars 2023. Le poste de cheffe sommelière présente plusieurs niveaux de difficulté : manager et responsabiliser une équipe, entretenir une cave (déjà bien fournie !) et les liens avec nos vignerons, tout en étant capable de faire la part belle aux nouveaux venus sur le terrain de jeu de la bouteille, devenir la passerelle entre la cuisine et la salle, autant de nouveaux défis avec lesquels je me familiarise depuis presque un an ! La partie la plus stimulante reste l’approvisionnement de cave (avec un grand C, car on ne parle pas que du vin) ; cela passe bien sûr par le vin, mais aussi par toutes les boissons sans-alcool, les cafés, les thés, les infusions, les cocktails, les digestifs, les accords mets et vins, qui avec le recul prennent tout autant de place que le vin sur la table. Cela m’a aussi permis d’apprendre sur moi-même, de devenir plus patiente, plus organisée, plus pondérée dans mes réactions. J’ai l’impression d’avoir eu un enfant, que tout n’est plus permis mais qu’en même temps tout est possible.
Quels sont vos défis ou challenges ?
CL : Le principal défi a été d’affirmer ma position auprès de nos vignerons, porte-flambeaux, et clients. Cependant, j’ai la chance d’assister au renouveau de la sphère oenologique française, avec l’arrivée d’une nouvelle vague de vignerons, de sommeliers, d’agents, etc. Dans un élan de solidarité générale, les liens avec les professionnels du vin ont été faciles à créer, ou à renouer car L’Astrance fonctionnait déjà avec un excellent carnet d’adresses professionnelles. Comme évoqué précédemment, le deuxième grand défi est celui de la nouvelle génération, une autre manière de déguster à table s’installe doucement, le vin n’est plus le seul compagnon de table. À L’Astrance, tous les jours nous avons des demandes pour des boissons sans-alcools, il faut donc être capable de se renouveler, de proposer d’autres solutions que l’évidente compagnie bacchique. Nous essayons donc de créer de nouvelles expériences, il se trouve que le chef est un expert en botanique et agrumes, nous offrant ainsi un panel de saveurs exceptionnel. Il n’est donc pas rare d’entendre un sommelier entrer en cuisine et demander « Chef, on a un jus de plante sur l’amertume ? Chef, qu’est-ce qu’on a d’épicé ce soir ? Chef, vous n’auriez pas un agrume un peu corsé pour nous ? », celui-ci comprend immédiatement que nous sommes lancés sur une création à la demande du client. Troisième point et non des moindres : L’Astrance a longtemps fonctionné avec un leader masculin à la tête de la sommellerie, et mon arrivée marque une nouvelle empreinte dans la maison. Une mission qui me convient, je vois au quotidien dans les yeux de nos clients une lueur de surprise, celle qui dit que nous sommes donc de ceux qui vont de l’avant et qu’un métier n’appartient définitivement pas à un genre.
Comment travaillez-vous avec Christophe Rohat ?
CL : L’Astrance est un tandem, celui du chef Pascal Barbot et de Christophe Rohat. Chez le chef, j’aime cette énergie permanente, mais surtout cette âme candide aussi débordante que son expérience et sa technicité. Monsieur Christophe c’est notre force tranquille, dans une approche fédératrice. Il a cette capacité de s’adapter à la personnalité qu’il a en face de lui en quelques secondes, c’est une des raisons de la fidélité de nombreux clients envers L’Astrance depuis de nombreuses années, ainsi que la facilité avec laquelle j’arrive à communiquer avec lui au quotidien. Il a immédiatement su me cerner et depuis le début notre collaboration repose sur une confiance totale et absolue en les capacités et le champs d’expertise de l’autre. En grand amateur de vin, Monsieur Christophe me laisse carte-blanche concernant le choix des vins, des collaborations, des vignerons, et de tout ce qui touche à la bouteille de manière générale. Il fait toujours très attention à nos clients, qu’ils ne manquent ni d’eau, ni de vin, et veille systématiquement à savoir quelle bouteille est dégustée à quelle table. C’est agréable de travailler avec Monsieur Christophe car je sais qu’il garde l’oeil sur tout, mais sans jamais être envahissant ; il laisse les personnalités de chacun s’exhauster, les projets s’essayer et se concrétiser, parfois même les échecs se passer pour mieux comprendre et avancer. Un vrai leader est celui qui pousse son équipe à se réaliser, comme Monsieur Christophe.
Adepte des concours, Chloé Laroche a été en demi-finale du Meilleur jeune sommelier de France en 2019. Quelques mois plus tard, en septembre, elle est désignée lauréate du concours du Meilleur élève sommelier de France - Trophée Chapoutier. Toujours soutenue par son formateur Thomas Vivant, elle a par ailleurs remporté le concours Malongo en 2018 pendant sa deuxième année de BTS, portant sur la connaissance du monde du café. Elle finit aussi deuxième au Ruinart Sommelier Challenge en 2021. Cette même année, elle accède cette fois à la finale du Meilleur jeune sommelier de France.
Infos pratiques :
- L'Astrance
- 32 Rue de Longchamp, 75116 Paris
- astranceparis.fr
- 01 40 50 84 40