À la tête du Groupe Le Cèdre Hospitality avec six établissements, dont le Domaine Saint Clair à Étretat (76), ce franco-libanais a aussi créé un fonds de dotations avec des missions humanitaires, tout en impliquant ses 90 collaborateurs. Renforcer le sentiment d’appartenance, considérer le personnel et améliorer son confort professionnel, accentuer sa marque employeur… autant de sujets sur lesquels il se remet en question.
Un œil en salle : Depuis plus de 20 ans, vous gérez l’établissement familial. Avez-vous toujours eu en tête d’être dans l’hôtellerie-restauration ?
Omar Abodib : J’avais toujours dit que je ne ferai jamais ce métier. Et puis, comme on dit « Fontaine je ne boirai pas de ton eau… » Mes parents géraient Le Donjon à Étretat (76). J’ai été pensionnaire durant 13 ans de ma vie. Donc, je voulais faire un métier plus « traditionnel » avec tes week-ends, tes potes et tout ce qui va autour. J’ai voulu sortir de ce secteur en faisant des études générales. Alors qu’au départ, je souhaitais intégrer l’EHL à Lausanne (Suisse), mais mes parents m’en ont dissuadé. Avec du recul, je crois que je ne suis pas trop mauvais dans ce que je fais (rires). Et surtout, je prends beaucoup de plaisir !
Après vos études, tournées vers le commerce, vous avez très vite entrepris. Est-ce inné ?
0. A. : J’ai toujours eu la fibre entrepreneuriale. À mes diplômes en poche, j’ai ouvert un restaurant libanais mon chef quelques années après. J’ai repris l’établissement familial en 2001, alors âgé de 28 ans. Juste après, j’ai tenu Le Wab au Havre durant 10 ans. J’ai aussi eu ma boîte d’événementiel, où j’ai fait trois fois le Vendée Globe et des événements partout en France. J’ai aussi participé aux prémices du festival de jeune cuisine Omnivore avec Luc Dubanchet de 2005 à 2013, au Havre, à Deauville (14) puis Paris (75). Depuis 2017, j’ai voulu me poser en restant ici au Havre, et en continuant les ouvertures.
Pouvez-vous nous parler de vos ouvertures en Normandie ?
O. A. : En 2018, j’ai ouvert Le Bel Ami à Étretat (76), en 2021, L’Oritano à Rouen (76) et Les Cèdres à Saint-Sorlin-d’Arves (73), et en 2023, le Bouillon Danton et Téta au Havre (76). En 2021, le restaurant Le Donjon du Domaine Saint Clair, décoré par Jean-Charles de Castelbajac, a obtenu sa première étoile Michelin (perdu en 2025).
Servir l’autre est noble.
Attaché à l’humanitaire depuis très jeune, vous avez aussi créé un fonds de dotation. Qu’est-ce que c’est ?
O. A. : Cette idée est venue au moment de la Covid. J’ai eu une grosse remise en question de mon métier, tout en ayant en tête de soutenir mes 90 collaborateurs. L’un des sujets principaux était le parcours client et la théâtralisation du séjour. Il a fallu se réinventer, revoir l’intelligence relationnelle, le comportement… À la réouverture, nous étions prêts ensemble, et je leur avais écrit cette phrase : « Exigence, écoute et engagement ». Je crois qu’aujourd’hui, nous avons besoin d’avoir ces notions, mais avec du plaisir en plus ou l’envie. En parallèle, je les implique dans des missions humanitaires, notamment à la suite de l’explosion à Beyrouth (Liban) où nous avons fait des repas pour des ONG. Nous étions 25 à partir en novembre 2020… À la suite de tous ces bouleversements, j’ai donc lancé le fonds de dotation Le Cèdre Hospitality qui a trois sujets principaux : lutter contre les inégalités dans le pourtour méditerranéen et au-delà ; lutter pour la biodiversité et préserver le vivant ; mieux s’alimenter et consommer. Chacun choisit s’il veut être impliqué ou non dans ces actions. Au sein du Groupe, j’ai mis en place 4 jours de repos offerts contre une semaine de bénévolat, en plus des six semaines de congés payés.
Quelles sont vos autres actions pour valoriser votre marque employeur ?
O. A. : Le Groupe Le Cèdre Hospitality a mis en place différentes actions dans ses établissements : l’intéressement salarial (4 jours de bénévolat, 6 semaines de congés payés…) ; la volonté de continuer à faire des voyages au Liban ; une demi-journée en plus des 2 jours consécutifs ; une salle de repos pour le personnel (avec vue mer) ; un parcours d’intégration du collaborateur avec une journée où l’on explique la philosophie de la Maison ; des sorties avec le personnel pour les « stimuler » (zodiac…). Je parle de relations humaines, plutôt que de ressources humaines. D’ailleurs, il y a un triptyque que l’on doit considérer à l’identique : fournisseurs/ clients/collaborateurs.
Quels profils recherchez-vous ?
0. A. : Je recherche des personnalités, ceux qui ont à l’esprit le positif du mot « servitude ». Je suis au service de l’autre. Mais selon moi, le client n’est pas roi. C’est le défaut de ce que l’on a appris de nos formateurs. C’est juste une question de respect.
Vous avez créé un poste de « guest relation ». Qu’est-ce qu’il implique ?
0. A. : Au Domaine Saint Clair, j’ai voulu créer ce poste d’« ambianceur ». Car la particularité de notre établissement, c’est que nous ne sommes ni un hôtel, ni un restaurant, mais une Maison (d’où « Bienvenue à la maison » à l’entrée). Je voulais capitaliser sur la relation vis-à-vis de l’autre. « Guest relation » est un poste-clé, et qui permet aussi de faire le relais entre chaque collaborateur.
Vous êtes très sensible à l’hospitalité. Pourquoi ?
0. A. : Car servir l’autre est noble. Et c’est pour cela que mon groupe s’appelle Le Cèdre Hospitality, car l’hospitalité est une belle approche qui nous permet de dire « Je suis à votre service ! » Notre raison d’être : créer et faire vivre l’hospitalité de notre territoire et de nos maisons, partager notre plaisir avec nos voyageurs. Notre métier est un révélateur social incroyable ! Il permet de s’exprimer, s’émanciper, rencontrer des clients de tous les horizons.
Vidéo :
La vidéo de notre immersion au Domaine Saint Clair
Sa bio en dates :
1973 : né en Australie d’un père libanais et d’une mère française
1978 : retour en France (Le Donjon à Étretat)
1989-1992 : Obtention du baccalauréat B, DUT Techniques de commercialisation, licence d’économie-gestion
1993 : ouverture d’un restaurant libanais au Havre (76)
Depuis 2001 : Directeur et propriétaire du Domaine Saint Clair à Étretat (76)
2004-2014 : Ouverture du restaurant Le Wab au Havre (76)
2005-2013 : Co-organisateur du festival Omnivore (Le Havre, Deauville, Paris)
Depuis 2018 : Directeur et propriétaire Le Bel Ami à Étretat (76)
Depuis 2020 : Directeur du fonds de dotation Le Cèdre Hospitality / Dirigeant Le Cèdre Hospitality
Depuis 2021 : Directeur et propriétaire L’Oritano à Rouen (76) / Directeur et propriétaire Les Cèdres à Saint-Sorlin- d’Arves (73)
Depuis 2023 : Directeur et propriétaire Bouillon Danton et Téta au Havre (76)

