Après 21 ans au lycée Albert de Mun à Paris, où il était professeur de restaurant et d’hébergement, Jean-Luc Frusetta a rejoint le corps professoral de l’école Ferrières, en septembre 2015, en qualité de directeur académique. Interview d’un professeur passionné et passionnant.
Un œil en salle : Quelle est votre vision de l’enseignement ?
Jean-Luc Frusetta : Je crois, qu’en tant qu’enseignant, nous ne devons pas perdre le contact, rester actif et suivre les évolutions du secteur pour mieux appréhender notre pédagogie face aux jeunes. Aujourd’hui, les étudiants ont 12 minutes de concentration. Cela ne sert à rien de leur faire apprendre les cours « par cœur ». À Ferrières, les outils et les démarches sont différents. On parle de pédagogie inversée. L’étudiant prépare ses cours chez lui, avant qu’ils ne soient plus approfondis et détaillés en classe.
Comment captez-vous l’attention des étudiants lors de l’apprentissage des métiers de la salle ?
Nous le mettons à la place du client. Tout part de là. Il doit comprendre pourquoi ce dernier vient au restaurant pour bien cerner et répondre à ses attentes et à ses motivations. Nous nous assurons aussi que le jeune ait envie de faire plaisir. Comme je leur dis toujours, « nous devons faire plaisir pour gagner de l’argent, et non l’inverse ». L’humain et la dimension sociale sont très importants dans notre métier. Le plaisir, le bien-être, les émotions sont des éléments intangibles. Je parle d’approche sensorielle, d’empathie. Tout ceci doit être pris en considération pour proposer une prestation sur-mesure aux clients.
Par exemple, un premier cours sur la mise en place d’une table : comment procédez-vous ?
Très souvent, l’enseignement dans les écoles hôtelières insiste sur la répétition des gestes – approche assez industrielle -, au lieu, hélas, de procéder à l’apprentissage par la compréhension. Encore une fois, à Ferrières, nous nous attachons à ce que le jeune se mette à la place du client. Il va donc s’installer à une table, jauger le confort et l’intimité de l’espace. La mise en place doit revêtir certaines caractéristiques. Le jeune doit être capable de s’adapter à des environnements différents.
Que dites-vous aux jeunes qui s’initient à ce métier ?
Un maître d’hôtel a la maîtrise de ce qui se passe ou de ce qui peut se dérouler sur scène, selon si c’est une comédie ou un drame. L’orchestration est un jeu extraordinaire. Rien n’est statique dans une salle de restaurant. On parle d’animation. Tout est à comprendre. Comment influencer le choix du client par l’ambiance musicale ? Quel choix de couvert par rapport au toucher ? Il y a une multitude de choses sur lesquelles on peut travailler.
En vous écoutant parler, difficile de ne pas être fasciné…
Je crois que les métiers de la salle correspondent davantage aux aspirations de la génération actuelle que la cuisine. Plaisir, créativité, émotion, partage : ce sont des valeurs qui leur parlent. En salle, il y a un jeu de rôle, d’évasion, une liberté extraordinaire. Tout ce qu’ils adorent. Il y a aussi une diversité des rencontres, des échanges. En cuisine, c’est plus limité. Je fais participer et implique au maximum les jeunes. Par exemple, pour l’accueil d’un client, le jeune va le suivre de son arrivée au parking jusqu’à son placement à table. Il devra écrire un scénario et réaliser un film. En première année, on utilise plus la caméra que le réchaud ! Grâce au tronc commun, plusieurs jeunes de la promotion Ferrières 2015 ont appris à découvrir le métier, qu’ils ne connaissaient pas. J’en ai même un qui souhaite se présenter, plus tard, au titre de MOF. Tous les jeunes sont dotés de talents, mais tous ont besoin que nous les aidions à les révéler pour s’élever dans toute société.
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2 commentaires
C’est une approche très cohérente ! bravo Jean Luc
Magnifique témoignage, quel est le niveau scolaire de ces élèves ?