Dans un cadre intimiste qui porte bien son nom, L’Écrin, la table gastronomique de l’Hôtel de Crillon, est une « bulle enchantée » où s’affaire la directrice de salle, Claire Sonnet. Après plus de dix ans au Plaza Athénée, elle a relevé le défi d’une ouverture avec tout ce qui va avec : constitution d’une équipe, arts de la table, philosophie de service… Entretien.
Un œil en salle : Quels ont été vos débuts à l’Écrin ?
Claire Sonnet : À mon arrivée, le 9 mai dernier, un gros travail de réflexion avait déjà été enclenché en amont. Dans les prémices, il a fallu comprendre la philosophie du lieu, du chef Christopher Hache, et quel message voulait-on faire passer. De là, nous avons eu beaucoup d’échanges. Les arts de la table et le service ont été pensés ou repensés ensemble. L’idée première : faire vivre une expérience globale au client, à la fois culinaire et œnologique par le biais du chef sommelier Xavier Thuizat. Notre volonté, et celle également du groupe Rosewood Hotels, était d’avoir une équipe jeune, dynamique, sans stéréotype. Qu’elle soit naturelle ! À l’inverse du savoir-faire, le savoir-être ne s’apprend pas. Cette notion est importante, car on ne peut pas commander des émotions, des comportements. Nous voulions que les collaborateurs aient un certain feeling, de l’empathie vis-à-vis du client.
Le savoir-être dont vous parlez, faisait-il partie des critères de recrutement ?
C.S : Nous avons recruté l’équipe de salle [9 personnes, dont mon adjoint Gauthier Michaud, et deux sommeliers] dans ce sens. Cela impliquait d’avoir les bonnes personnes, de par la taille de L’Écrin (24 places assises/8 tables) – un endroit très confiné et intimiste -, et la table d’hôte de 12 couverts dans la cave d’exception. La place des collaborateurs est importante dans une entreprise. S’ils se sentent attendus, si nous les mettons dans les bonnes conditions ; ils donneront le meilleur d’eux-mêmes. Beaucoup, lors de leur entretien, on dit avoir été accueilli comme un client. Chacun doit se sentir concerné.
Une ouverture est un challenge où tout est à faire. Est-ce une dynamique que vous avez su insuffler ?
C.S : Il y a un cadre, des codes, les valeurs du groupe à fixer. Mais il a bien sûr fallu susciter leur envie, leur intérêt, avec l’idée que chacun fasse partie de la construction d’une histoire. Nous partions d’une page blanche, malgré le fait que l’Hôtel de Crillon ait un lourd passé historique. Le mot d’ordre : ensemble. Nous devons tous nous faire grandir.
Il faut aller au-delà des attentes du client, qu’il n’éprouve pas le sentiment d’avoir un besoin. Claire Sonnet
Qu’est-ce que l’excellence à la française, selon vous ? Comment est-elle retranscrite dans le service ?
C.S : Chaque client que l’on reçoit est différent. Idem pour l’équipe de salle. Des feelings vont se créer intuitivement. À nous de décrypter, au début du service, si Suzanne, Gauthier, Clémence, Xavier, Tarek, moi ou un autre collaborateur sera le plus approprié pour s’occuper de telle ou telle table. Une sensibilité que l’on doit retranscrire, et une uniformité que l’on doit retrouver. Dans cet Écrin, chaque client est à considérer comme un bijou, une pierre précieuse. Et chaque membre de l’équipe aura vis-à-vis de lui sa sensibilité, son regard. Nous avons aussi travaillé sur les déplacements dans l’espace. La salle est toute petite et en longueur. Nous évitons que trop de monde soit au même moment dans la pièce, et ne circule trop rapidement afin d’éviter un état de stress. Je pense aussi qu’il faut aller au-delà des attentes du client, qu’il n’éprouve pas le sentiment d’avoir un besoin.
Y a-t-il des attentions pour le client ?
C.S : Il repart avec un cube en chocolat niché dans un écrin, intégrant une recette à refaire chez soi. Ce qui permet de prolonger son expérience à l’Hôtel de Crillon. Nous travaillons actuellement sur les anniversaires et les moments spéciaux.
Avez-vous des moments de cohésion avec l’équipe à l’extérieur ?
C.S : Nous sommes soudés, et organisons des déjeuners ou bien des visites, par exemples chez des producteurs ou les céramistes qui ont réalisés nos arts de la table. C’est important de sensibiliser les équipes sur le matériel. On a besoin de voir, connaître, toucher pour mieux en parler. C’est toute la richesse de notre métier. Et un apprentissage perpétuel.
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Infos pratiques :
Hôtel de Crillon, 10, Place de la Concorde, 75 008 Paris – www.rosewoodhotels.com/fr/hotel-de-crillon
3 commentaires
J’aime ce raisonnement de Claire Sonnet. Quel plaisir cette pensée « fraîche » que je partage.
Christian Maunet
Le savoir être devrait être davantage inséré dans nos pratiques. Certes la posture de l’enseignant est importante mais celle de nos apprenants n’est pas en général assez utilisée.
Désolé de contredire cette charmante directrice mais le savoir être n’est pas inné, c’est le travail de l’éducation donnée par les parents, l’école… Aussi vous pouvez nous remercier, nous professeurs de restauration, d’essayer de mettre en valeur cette valeur ou d’essayer de l’inculquer. Cordialement.