Julien Huel, directeur de la restauration du Groupe Barrière (140 établissements à travers le monde, 2 000 collaborateurs en restauration), évoque la reprise après un long travail de réflexion et de coordination en interne pour adopter un protocole sanitaire adapté et adaptable à chaque hôtel, casino et restaurant du Groupe. Entretien.
Un œil en salle : Pouvez-vous nous parler de la fermeture administrative ; comment a t-elle été gérée en interne ?
Julien Huel : La crise du Coronavirus s’est traduite par une fermeture de l’ensemble de nos 140 établissements en France et à l’étranger, à partir de fin mars – une période qui, habituellement avec les hôtels et les casinos, fait 3 millions de chiffre d’affaires en moyenne par jour. Là, nous faisions 0 euro… Il a donc fallu très rapidement s’organiser en interne pour entrevoir la reprise. Première quinzaine d’avril, nous avons réuni un petit comité composé de mon équipe au siège restauration et d’opérationnels, tant en cuisine qu’en salle. Nous avons réfléchi à des protocoles à mettre en place pour assurer les ouvertures de manière sécurisante pour la clientèle, mais aussi pour les collaborateurs (2 000 en restauration).
Comment avez-vous défini votre protocole sanitaire avec des informations qui évoluaient sans cesse ?
JH : Nous nous sommes appuyés sur le guide HACCP interne du Groupe, qui déjà, assure une sécurité assez large notamment sur la partie production. Puis, d’identifier ce que nous pouvions faire en plus. À cela, les informations des syndicats professionnels se sont ajoutées progressivement, et elles n’ont cessé d’évoluer jusqu’à l’annonce de la réouverture par le Premier ministre. Nous avons adapté au fur et à mesure notre protocole qui intègre à minima l’intégralité des obligations demandées par le Gouvernement, et compte tenu de notre responsabilité, d’aller plus loin en concertation avec nos différents services.
Justement, qu’avez-vous mis en place, en plus, avec vos différents services ?
JH : Derrière ce protocole, notre direction des achats à sourcer tout le matériel dont nous aurions besoin : stickers à l’effigie du Groupe Barrière pour indiquer les mesures de distanciation sociale ou les obligations, produits virucides pour assurer le nettoyage sanitaire des tables et des chaises, achat de masques… Notre objectif : fin mai, tous les établissements du Groupe devaient recevoir le matériel pour assurer le protocole. Après ce volet achat, il y a eu la partie RH qui se traduit directement de ces protocoles. Nous avons créé des films montrant les nouvelles postures de service (comment installer le client à table…), en salle et aussi en cuisine. 100% des collaborateurs ont dû suivre ces formations onlines avant la réouverture ; visionner la vidéo, puis répondre à un QCM de 15 questions. S’ils n’avaient pas la cote suffisante, ils devaient refaire la formation jusqu’à l’avoir pour s’assurer que les informations soient assimilées. Cette phase ne s’est pas déroulée à distance, mais sur site. Une réintégration qui a eu lieu deux jours avant la reprise. Chaque chef de service, a, en plus, mis en place des jeux de rôles en réel. Nous avions deux volets de formations, deux protocoles : un en ‘front-office’ (service) et un en ‘back-office’ (cuisine). Car les sujets ne sont pas les mêmes !
Que contient le protocole sanitaire ‘front-office’ du Groupe Barrière ?
JH : Déjà, nous respectons les gestes barrières, sans jeux de mots (rires), classiques comme le port du masque obligatoire, le lavage des mains toutes les 30 minutes, la distance des tables d’un mètre… Également, au-delà de la partie achat et RH que j’évoquais, ce protocole a été personnalisé avec notre direction expérience client. Le Groupe Barrière a dû redéfinir le parcours client, en amont de son arrivée et sur place. La gestuelle a été travaillée (notamment la main du personnel sur l’épaule pour saluer, NDLR),tout comme le discours à adopter avec pédagogie (« On s’occupe de tout, surtout de vous » comme axe de communication, NDLR) pour rassurer les convives. La mise en place de chaque table se fait devant et à l’arrivée du client ; le personnel nettoie les chaises et les tables à l’aide de lingettes, met la surnappe s’il le faut, et dresse la table au cas par cas. Des gestes volontairement visibles qui permettent d’apporter un maximum de sécurité aux clients. Il n’y a plus de ménagères (mais des sachets de sel et poivre). Il y aussi un sens de circulation. Les techniques de salle ont également été suspendues. Nous pouvons présenter la sole meunière, mais celle-ci sera préparée par mesure de sécurité en cuisine. Ce n’est pas un service aussi glamour que ça peut l’être en temps normal, mais on espère pouvoir assouplir le protocole d’ici juillet avec des tables déjà dressées, en fonction de l’évolution des mesures sanitaires.
Avez-vous digitalisé certaines étapes du parcours client ?
JH : Hormis nos cartes plastifiées, il y aussi un QR code à flasher – un outil technologique déjà mis en place pour les touristes étrangers, mais finalement peu exploité jusque-là. Nos cartes sont téléchargeables par ce biais. Nous avons accéléré notre projet « Barrière Pay » qui permet de digitaliser l’étape du paiement. Le client scanne un QR code sur la table via une web app, et peut régler l’addition au montant désiré. Un temps d’attente limité, souvent signe de frustration, qui fluidifie le moment. Quelque chose qui a du sens en cette période. « Barrière Pay » est encore en test et va être déployé d’ici la fin de l’été 2020 dans 50 de nos établissements.
Ce protocole sanitaire est donc le même dans tous les établissements du Groupe ?
JH : En effet. Nous l’avons parfois adapté dans certains pays à l’international lorsque la réglementation locale était différente. L’enjeu était de s’adapter, tout en gardant une cohérence du Groupe (sur le travail d’affichage par exemple), car les règles sont plus couples ou plus drastiques selon le pays. Aujourd’hui, nous avions une signature dans notre offre Barrière pour le petit-déjeuner dans les hôtels. Nous avons temporairement suspendu les buffets pour un petit-déjeuner à l’assiette afin de maintenir une bonne expérience client sans contraintes. Par exemple : Au Normandy à Deauville (14), il y a 270 chambres donc potentiellement 500 clients au petit-déjeuner ; c’était impossible de veiller à ces règles. Nous avons dû adapter certaines de nos offres de façon draconienne, mais c’était ce qu’il fallait faire pour pouvoir être en mesure de rouvrir !
Quels sont vos premiers retours depuis la réouverture ?
JH : J’ai pu visiter nos établissements à Deauville, La Baule, Dinard et Saint-Malo (50 établissements – casinos et hôtels – ont rouvert à date, NDLR); j’ai vu des clients ravis de pouvoir retourner au restaurant. Le déconfinement évolue rapidement tant sur les autorisations que sur la psychologie de nos convives. Nous avons ce sentiment qu’ils sont peu anxieux. En tout cas ceux qui viennent nous rendre visite. Néanmoins, dans ces lieux de villégiature, l’influence n’est pas aussi importante en semaine. Et j’ai revu des collaborateurs plus qu’heureux de reprendre le travail. (…) Le protocole du Groupe Barrière est totalement opérationnel ! Ça a demandé beaucoup de réflexion et de coordination. Et de bien transmettre les choses parfois avec des réunions par call réunissant nos 130 directeurs. Les mesures vont peut-être s’assouplir et évoluer dans les semaines à venir, mais la priorité reste à ce jour la sécurité de nos clients et de nos collaborateurs.
Vidéo du Groupe Barrière pour la réouverture « On s’occupe de tout, surtout de vous »: