Le 1er février, Alicia Poupeney a rejoint Magali et Jean Sulpice à l’Auberge du Père Bise à Talloires (74). Précédemment à l’Hôtel Le Bristol, elle prend son premier poste de responsable de salle, ponctué par un mois d’activité, une période de confinement, et une réouverture du deux-étoiles où il a fallu respecter les gestes barrières tout en conservant l’expérience. Interview.
Un œil en salle : Comment les premiers services ont-ils été appréhendés par les équipes ?
Alicia Poupeney : Pendant le confinement, le chef Jean Sulpiceavait mis en place le repas gastronomique en chambre. Une initiative unique et un véritable défi pour l’équipe de salle. Nous avons réussi à faire vivre aux clients de belles émotions en amenant les plats un à un pour vivre l’expérience gastronomique pleinement directement en chambre. Garder le rythme d’un service en allant de chambre en chambre, c’était un sacré challenge. Cela a permis de créer une très belle dynamique qui a servi pour l’ouverture post-Covid ! Nous avons rouvert le bistrot 1903 le 4 juin, le restaurant doublement étoilé le 10 juin. Le service était difficile à anticiper, car on se demandait comment les clients réagiraient. Est-ce qu’ils seraient effrayés ? Est-ce qu’ils nous demanderaient plus ? Aussi parce que les consignes de réouverture ont été données en dernière minute ; il a donc fallu s’adapter et réagir très vite. Finalement, tout s’est fait naturellement ! Les clients ont vraiment été bienveillants envers les équipes de salle, plus qu’envers eux-mêmes. Pas dans l’inquiétude, mais dans la compréhension. L’activité est bien là, nous sommes complets midi et soir. C’est bon signe pour la saison estivale.
Qu’est-ce qui a dû évoluer en salle dans le respect des mesures sanitaires ?
AP : Nous avons des bouteilles de gels hydro-alcooliques à l’entrée de l’hôtel et du restaurant, puis des distributeurs dans les offices à différents points. Nous avons bien sûr formé les équipes avant la réouverture sur l’utilisation du gel : où, quand, et comment. Au restaurant gastronomique, nous passions le menu de table en table, puis nous éditions un menu sur-mesure avec les accords à la fin du repas pour que le client garde un souvenir de son expérience. À la reprise, nous avons gardé l’idée de ce menu unique imprimé sur papier recyclé, cette fois le même pour tout le monde ; nous invitons la table à le consulter, puis le garder pour suivre le repas et faire des annotations si besoin. Le client a donc toujours son menu souvenir, donné en début de repas, mais qui est moins personnalisé. Au bistrot et au bar, nous avons conservé les cartes classiques, plastifiées, et mis en place un QR code sur un support papier au choix. Nous avons essayé de proposer le flash code au restaurant gastronomique sous forme de cartes de visite, mais le client n’était pas totalement ouvert à cela. Pour la carte des vins, le chef sommelier Lionel Schneider apporte du gel hydro-alcoolique au client pour qu’il se désinfecte les mains, et lui demande aussi de porter le masque pour éviter les postillons sur le support. De manière générale, les clients viennent quasiment tous masqués. Ils prennent le réflexe de le remettre en dehors de la table. À part le masque et les gestes barrières, tout est extrêmement naturel.
Nous faisons en sorte que l’expérience reste la même.
Comment réagissent les clients ?
AP : Toute l’équipe de salle a son masque, ce qui est assez compliqué pour le service… Car le client ne nous entend pas toujours, donc il faut parler plus fort. Ça fait plus de bruit… Et nous avons remarqué que certains clients lisaient sur nos lèvres. Par contre, pour les malentendants, nous nous adaptons, et enlevons le masque. En cuisine et en salle, nous portons des masques en tissu aux couleurs de l’Auberge avec plusieurs attaches différentes, derrière la nuque ou les oreilles en fonction des facilités de chacun. Selon les coupes de cheveux ou l’uniforme. Il y a une empathie générale des clients nous concernant. Nous proposons des masques jetables pour ceux qui l’oublient. Lors de la confirmation de réservation par mail, nous indiquons toutes les mesures à prendre dont le port du masque. Mais nous faisons en sorte que l’expérience reste la même ; ne pas aller à l’encontre de ce qu’ils connaissent. Au contraire, les rassurer et les réconforter.
Vous dites avoir supprimé les gants en salle : pourquoi ?
AP : Pas d’évolution de la mise en place. Seuls les produits d’entretien ont été changés pour des produits normés pour les risques. Tout est manipulé avec des gants. Et il n’y a pas de deuxième service. Pour garder les bonnes distances de sécurité, nous avons un nombre de tables minimum, qui correspond à un petit service à l’Auberge (38 couverts), sans pouvoir en rajouter. Nous ne pouvons pas non plus prendre des groupes de plus de 10 personnes. À la reprise, nous avons démarré le service avec des gants, mais ce n’était pas idéal écologiquement et économiquement parlant. D’où le fait d’investir davantage dans le gel hydro-alcoolique.
La dégustation du vin se réalise toujours. Le seul moment où le sommelier peut retirer son masque.
Votre travail technique a-t-il été revu ?
AP : Nous avons un magnifique chariot de fromages, que nous ne pouvions pas enlever étant en Savoie ; il est entouré d’une vitre en plexi sur-mesure, de manière à ce que le chef de rang puisse faire la découpe, et que le client s’en approche pour regarder les fromages. Nous avons également suspendu les techniques de salle. Côté sommellerie, le guéridon est situé en recul de la table. La dégustation du vin se réalise toujours. Le seul moment où le sommelier peut retirer son masque, à la discrétion du client. Le service est donc identique, et comme je le disais, nous ne voulions pas changer l’expérience gastronomique. Au moment de l’addition, c’est plus délicat, la plupart des clients payent par carte bancaire. Ils sont invités à prendre le gel avant, le TPE étant désinfecté aussi. D’autres souhaitent payer en espèces, ce que nous autorisons. Nous avons essayé de digitaliser le process notamment à la réservation, mais les clients n’étaient pas favorables.
Offrez-vous un cadeau de départ ? Peut-être en lien avec cette période particulière ?
AP : À son départ, nous avions songé à lui remettre un pot de gel à l’effigie de l’Auberge, mais nous ne voulions finalement pas de rappel à l’ordre de cette pandémie. En projet, nous allons prochainement remettre des mignardises à emporter, non pas dans la logique du service post-Covid, mais plus de l’anti-gaspillage. Nous faisons évoluer le restaurant comme si le Covid n’était pas présent. Voir le côté positif des choses… Les clients ont l’opportunité de venir au restaurant, et nous, nous pouvons les accueillir de nouveau.
Le gel hydro-alcoolique va rester dans les automatismes et les réflexes.
Et les équipes ?
AP : Les collaborateurs sont priés de nettoyer leurs masques et leurs tenues. Les arrivées et les départs sont différés pour ne pas avoir trop de monde dans le vestiaire. Le port du masque commence à être contraignant pour les équipes, autant on s’y habitue au début avec les douleurs derrière les oreilles. Mais on s’essouffle de plus en plus avec la terrasse et le soleil. Par contre, je pense que le gel hydro-alcoolique va rester dans les automatismes et les réflexes. Le distributeur à l’entrée du restaurant, ainsi que ceux dans les offices vont certainement être conservés après cette période. C’est plus hygiénique, tant pour les clients que pour les équipes.
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Infos pratiques :
- L'Auberge du Père-Bise
- 303 Route du Crêt, 74290 Talloires-Montmin
- www.perebise.com