À l’occasion d’une table-ronde sur les duos fusionnels au Chefs World Summit à Monaco, le témoignage marquant de Thierry Di Tullio et Arnaud Donckele, respectivement directeur de salle et chef à La Vague d’Or à Saint-Tropez (83), a marqué le public de par la singularité des liens qui unissent ce binôme professionnel. Exemple avec la genèse du plat « Claudette » à la carte du trois étoiles Michelin.
Entre eux, il y a nul doute « une complicité professionnelle, une amitié et un profond respect ». Tout cela au service de leur métier respectif. À la Vague d’Or, les équipes travaillent 7 jours sur 7, pendant 190 jours ; la fermeture a lieu en saison d’hiver, d’octobre à mai. « Pendant les mois de fermeture, nous sommes un petit noyau à rester pour préparer la nouvelle carte, faire des essais, rencontrer des producteurs. Avec Thierry, nous échangeons lors des tastings. Je suis ses conseils, quel argumentaire il pourrait raconter auprès de la clientèle. » L’un des plats a une « histoire » particulière, et « [nous] a valu la troisième étoile, précise le chef. C’est le lapin façon Claudette, du prénom de la maman de Thierry. Trois semaines avant l’ouverture, elle avait été hospitalisée, sombrant dans un coma profond. Thierry était très affecté d’autant qu’il n’aurait pas la possibilité d’aller la voir tous les jours à l’hôpital. »
Arnaud Donckele a cherché un moyen « de le soutenir et de le réconforter ». Une idée pour qu’elle soit présente avec eux, à La Vague d’Or. Le chef pense alors au plat de lapin qu’elle réalisait tous les dimanches à Carqueiranne (83). Il décide donc de le revisiter ! « Ce plat est nourri d’affection et d’émotion. J’aime quand les recettes ont une histoire, tout est encore plus fort. C’est une histoire personnelle entre Thierry et sa maman », poursuit-il. Lors d’un tasting, il lui fait goûter, en surprise, le lapin. Un moment « magique et émouvant ». « Tous les jours, Thierry parlait de sa maman Claudette aux clients ; il était en pensée avec elle », se remémore le chef.
Et Thierry Di Tullio de préciser : « Aujourd’hui, elle va mieux. Le jour même, je suis allé lui apporter la nouvelle carte signée d’un petit mot d’Arnaud. Je peux vous dire qu’elle était extrêmement touchée de lire « Râble de lapin roulé au lard paysan façon « Claudette », et homard bleu, échalotes caramélisées et girolles au miel de châtaignier, bouillon mousseux au romarin ». » Pour lui, « un plat se raconte. Il faut savoir le magnifier. Je me ressource chaque jour auprès d’Arnaud, à l’écouter, l’observer ; il est une source d’inspiration incroyable pour moi ! Je peux être ainsi un ambassadeur de sa cuisine, de ses valeurs. Et je peux aussi raconter des histoires différentes aux clients. »
©Jean-Philippe Garabedian