À l’occasion du cinquantenaire de la restauration du Grand Trianon en 1966, et après le succès de l’exposition Le Grand Trianon, de Louis XIV à Charles de Gaulle en 2015, une nouvelle exposition met cet été en lumière le Grand Trianon comme palais de la République sous la présidence du général de Gaulle. Le public est invité à comprendre le processus de décision qui a amené ce dernier et son ministre des affaires culturelles à faire de Trianon un lieu de réception officiel. Seront ainsi retracées les étapes d’un colossal projet de restauration et d’aménagement mené à partir de 1963. Au-delà des documents d’archives, pour certains inédits, (notes de cabinet, discours, coupures de presse, croquis d’architecte …), des vidéos et des photographies, les visiteurs peuvent découvrir, pour la première fois, les appartements du général de Gaulle remeublés pour l’occasion par le Mobilier national dans leur « état 1966 », soit sept pièces situées au rez-de-chaussée : un salon d’attente, un salon des Huissiers, deux bureaux d’aides de camp, le bureau du général de Gaulle, un salon de famille et une salle à manger. Dans cette dernière pièce, une table a été dressée avec de la vaisselle prêtée par l’Elysée. Le circuit de visite se prolonge en sous-sol dans les vastes cuisines conçues pour servir aux réceptions officielles.
Extraits du livre « Un président chez le roi, de Gaulle à Trianon », sorti en juin 2016 aux éditions Gallimard (19.90 €)
Dans les cuisines de Trianon-sous-Bois (de Marie-France Noël-Waldteufel)
De la table royale à la table présidentielle
Sous l’Ancien Régime, à Versailles, les visites de souverains étrangers donnaient lieu à des réceptions où les fêtes somptueuses et les plaisirs de la table participaient à la magnificence et à la renommée de la cour de France. Le prestige de la table royale n’a pas disparu avec la monarchie. La gastronomie française est restée pour les tables présidentielles une arme diplomatique lors des réceptions officielles. Aux banquets pantagruéliques de la IIIe République ont succédé des repas plus simples : entrée, plat, dessert, avec trois vins. Si l’élaboration des menus suit l’évolution du goût et de la diététique, le choix des plats impose toujours la perfection du produit, le savoir-faire unique des cuisiniers, pâtissiers et sommeliers, l’excellence de la cave présidentielle. Au cours des repas officiels, c’est le service dit « au plat à la française » qui est pratiqué depuis la ive République. Le maître d’hôtel présente le plat par la gauche au convive, qui se sert à l’aide des couverts disposés à son intention1.
Sous la présidence de Charles de Gaulle, les intendances du palais de l’Élysée ou du ministère des Affaires étrangères, dans le cas d’une réception officielle d’un hôte étranger, sont chargées de l’organisation matérielle des réceptions. Ce sont donc les services de table de l’Élysée qui sont utilisés à Trianon. Assiettes en porcelaine de Sèvres, services de verres de Baccarat, couverts d’argent de la maison Puiforcat, nappes blanches, surtouts d’argent massif datant de la iiie République complétés de compositions florales, tout est apporté de Paris. Les services « historiques » de porcelaine, comme le « service aux oiseaux » créé sous le Second Empire et le service à dessert « aux paysages de France » de Caroline Murat, sont utilisés lors des réceptions à Trianon, selon le témoignage d’une « lavandière2 ».
Mais l’intendance émet des réserves quant à leur utilisation à Trianon en raison du risque et des conditions de transport. En 1967, un « service Trianon » est donc commandé à la manufacture de Sèvres pour les réceptions à Trianon-sous-Bois (fig. 1). D’un décor classique, fond uni blanc entouré d’un marli « beau bleu » souligné d’un filet d’or et d’une frise de motifs Premier Empire, il comprend assiettes, patelles à pain cannelées, raviers de forme bateau, soupières et bols à consommé, saladiers et compotiers.
Les menus
La réception officielle d’un chef d’État étranger obéit à un protocole très élaboré. Le menu servi se doit de refléter toute l’importance diplomatique de ce moment historique. La gastronomie française participe à la réussite de cette rencontre. Huîtres, crustacés ou poissons composent les entrées ; l’agneau et les volailles sont servis rôtis et entourés de garnitures à l’effet visuel remarquable. Pour effacer un mauvais souvenir, les petits pois ne s’appellent plus « Clamart » mais « Sévigné ». Les desserts sont mis en scène sur des socles de nougatine, avec des effets lumineux. Les meilleurs crus accompagnent les plats : toujours un vin blanc avec l’entrée, un rouge avec le plat et du champagne avec le dessert. La cave de l’Élysée est aussi une vitrine de l’excellence française.
Lors de la visite du Premier ministre britannique Harold Wilson le 19 juin 1967, un déjeuner privé de dix couverts est organisé dans la salle à manger. Le menu est présenté sur un petit carton liseré d’or, comme pour tous les repas en privé. Hérité de la ive République, ce type de menu trop simple déplaît à André Malraux et il fait créer un modèle officiel pour les repas « hors les murs » comme à Versailles, avec une représentation du château de Versailles ou de Trianon6. C’est ce modèle qui est utilisé pour le déjeuner donné le 20 décembre 1966 pour le duc d’Édimbourg (fig. 7) ou encore lors du dîner du 1er mars 1969 à l’occasion de la visite du président Nixon.
Un Président chez le Roi, De Gaulle au Grand Trianon
Jusqu’au 9 novembre 2016
Lieu : Grand Trianon du Domaine de Versailles
Horaires : 12h-18h30, fermé le lundi