Arrivée en France sans parler la langue, cette Allemande, ayant évoluée en réception dans les beaux hôtels londoniens, a rejoint son mari, le chef Emmanuel Renaut pour l’ouverture de leur premier restaurant à Megève (74). Aujourd’hui, ils sont à la tête de 4 établissements, où l’humain – clients et collaborateurs – tient une place toute particulière. Un axe fondamental, au centre de tout, et qui rend son métier passionnant et important.
Interview parue dans le magazine Un oeil en salle N°12
Un œil en salle : Comment avez-vous débuté dans le métier ?
Kristine Renaut : Après mon baccalauréat général, j’ai fait une formation hôtelière en Bavière pour être sûre que le métier me plairait. C’était polyvalent, donc j’ai vu tous les services d’un hôtel et d’un restaurant. Puis, je me suis dirigée vers un apprentissage, axée sur l’hôtellerie (réception, étages…) de deux ans au Reichshof à Hambourg. Après mes diplômes, je suis rentrée dans la vie active. Direction Londres, à l’Hôtel Savoy, pour perfectionner mon anglais, d’abord en qualité de stagiaire au banqueting pour 6 mois, puis en front-office à la réception, puis en tant que guest relation manager pour deux ans et demi. Je suis partie au Ritz Londres au tea-room (accueil, réservation) pour une année, avant de superviser durant deux ans la partie food and beverage au Claridge’s – où j’ai rencontré Emmanuel, qui était chef de cuisine. On s’est rencontrés en avril 1997. Lui retournait en novembre en France. Je l’ai suivi.
Est-ce que vous songiez travailler en France ?
KR : Pas forcément. J’avais ma vie bien organisée à Londres. La ville me plaisait beaucoup. J’ai rencontré le frenchie (rires). Au début, on conversait en anglais ensemble ; je ne parlais pas français ! Seulement quelques notions. Et je ne connaissais pas la France ! Notre relation était forte pour que je le rejoigne. Ça m’a beaucoup tenté, d’autant qu’Emmanuel voulait ouvrir son propre restaurant à Megève (74). L’aventure m’a séduite.
La barrière de la langue ne vous a pas dérangée ?
KR : Au début, je voulais trouver un emploi en réception, qui était ma formation, à Megève, et bien apprendre le français. Je ne pensais pas pouvoir combiner vie privée et vie professionnelle. Finalement, j’ai fait l’ouverture avec Emmanuel du Flocons de Sel (nom choisi en clin d’œil au sel de Maldon, qui ressemble à des flocons, NDLR), au cœur du village, fin 1997. Malgré la barrière de la langue, j’ai démarré en salle, mais j’étais très souvent à l’accueil car j’avais dû mal à tout comprendre. Puis, j’ai servi, expliqué les plats, et parlé de plus en plus. Après 6 mois, c’était bon. On a toujours eu des maîtres d’hôtel et sommeliers pour gérer le restaurant à vocation gastronomique, car Emmanuel avait des objectifs.
Voir les coulisses d'un service en cuisine au Flocons de Sel :
La vidéo Instagram ici
Connaissiez-vous la gastronomie française ?
KR : Non, je ne connais pas du tout cet environnement « gastronomique » ou des guides. La gastronomie française est extraordinaire pour une carrière. Je savais qu’Emmanuel avait des objectifs, tant sur les distinctions que pour les concours. Les français ont un autre regard sur la cuisine. C’est, à mon sens, unique, et propre à la France ! Je n’avais jamais vu cet engouement en Allemagne ou en Angleterre. Mais, j’ai adhéré de suite ! Avant, je mangeais les viandes ou les poissons bien cuits, maintenant c’est l’inverse (rires).
Comment avez-vous évolué ?
KR : J’ai appris sur le tard. J’ai aimé le contact client, très fort. J’étais le petit point sur le « I » en salle. Nous travaillions pour la 1èreétoile, obtenue en 2001, suivie de la 2èmeen 2007. Puis, le Flocons de sel a déménagé sur les hauteurs du Leutaz avec un hôtel de 11 chambres et un spa en 2008. De 10, nous sommes passés à 40 personnes (70 en haute saison) ! Je me suis occupée de la décoration, de l’ambiance des différents espaces. La 3èmeétoile est arrivée en 2012. Nous avons gardé le Flocons Village, transformé en bistrot (12 collaborateurs). Puis, nous avons ouvert un restaurant d’altitude Le Forestier en 2017 (9 personnes), et repris dernièrement L’Auberge du Bois Prin à Chamonix (74) en 2019 (15 personnes).
Est-ce que vous vous définiriez comme une maîtresse de maison ?
KR : Oui, c’est tout à fait ça ! Avant les enfants, j’étais en salle, et dans l’action. Quand les 3 sont arrivés, je me gardais la journée pour eux, et je retournais au service le soir. Je ne pouvais pas tenir un poste à plein temps, mais je ne voulais pas non plus perdre le contact client. J’ai trouvé le juste équilibre ! Et puis, dans l’évolution et la construction de nos établissements, j’avais à cœur de m’occuper et de suivre nos salariés, mais aussi de participer aux différents projets.
Vos collaborateurs vous ont-ils permis de faire grandir vos établissements ?
KR : Nous avons une belle équipe qui reste avec nous, et ça, oui, c’est la clé de tout ! Si on sait bien s’entourer avec des personnes qui ont la même vision, et qui aiment leur métier, alors on peut avoir 4 maisons. Avec Emmanuel, nous leur faisons confiances. Je me vois comme la personne qui a le lien avec chacun ; j’aime bien m’occuper des autres. Pour pouvoir les fidéliser, il faut aussi les aider à s’épanouir, et les faire évoluer avec nous.
Le recrutement est-il plus difficile en 2021 ?
KR : Je crois que c’est lié au Covid-19. Mais, j’ai grand espoir que ça évolue. Car nous faisons des métiers de passion, d’avenir ; nous ne pourrons jamais remplacer le service, qui est l’âme d’un restaurant ! Bien manger, c’est une chose. Mais être bien servi, être face à un professionnel cultivé, souriant, réceptif, avec une bonne mémoire, c’est une vraie force !
Un conseil pour un jeune ?
KR : Je dirai de bien se renseigner pour trouver une formation et une école hôtelière, privée ou publique, qui leur correspondent. Choisir des maisons qui les forment. Et de partir à l’étranger pour la langue, l’ouverture d’esprit, et les voyages.
Équipes de salle :
Flocons de Sel : Ludovic Namur, chef sommelier ; Fabien Rodriguez, maître d’hôtel
Flocons Village : Pierre-Henry Gallais, responsable de salle
Auberge du Bois Prin : Delphine Borner, responsable de salle
Sa bio en dates :
- 1969 : naissance à Kellinghusen, dans la région d’Hambourg (Allemagne)
- 1986 : baccalauréat général
- 1987 : formation hôtelière en Bavière
- 1988-1990 : apprentissage en hôtellerie (réception, étages…) au Reichshof à Hambourg
- 1990-1993 : stage au banqueting, puis réceptionniste et guest relation manager à l’Hôtel Savoy à Londres
- 1994-1995 : manager au tea-room à l’hôtel Ritz à Londres
- 1996-1997 : food and beverage manager au Claridge’s à Londres
- 1997 : ouverture du Flocons de Sel à Megève
- 2001-2007 : 1ère, puis 2ème étoile
- 2008 : déménagement du Flocons de Sel au Leutaz à Megève
- 2012 : 3ème étoile
- 2017 : ouverture du restaurant d’altitude Le Forestier à Megève
- 2019 : reprise de l’Auberge du Bois Prin à Chamonix
Infos pratiques :
- Flocons de Sel
- 1775 Rte du Leutaz, 74120 Megève
- contact@floconsdesel.com
- https://www.floconsdesel.com/fr/
1 commentaire
Le service disparaît dans certains concepts alors pendant qu’il est temps, vivons de notre passion. Message aux employeurs: pour donner de la qualité, mettez les moyens nécessaires. Service de qualité nécessite, rapidité, bonne exécution et surtout disponibilité. Il n’y a pas une « patronne » disponible partout pour faire le point sur le « I’. Si on laisse trop attendre le client, cela risque de le décevoir.