À 39 ans, Sébastien Rival, rentré dans le Groupe Ducasse en 2017, se voit confier la restauration de l’Hôtel Le Meurice depuis le 4 février dernier. Originaire du Maine-et-Loire, cet homme de terrain, qui a fait beaucoup d’ouvertures de restaurants, supervise 180 personnes, réparties entre les 4 points de vente, le banqueting et le room-service. Rencontre.
Un oeil en salle : Vous avez pris la direction de la restauration à l’Hôtel Le Meurice. Un retour aux sources, 9 ans après en être parti ?
Sébastien Rival : C’est effectivement un retour aux sources. J’y étais entre 2007 et 2010 à l’époque de Yannick Alléno et de l’obtention de la troisième étoile. Une période dingue (il était directeur de salle adjoint, NDLR) où je travaillais avec Wilfried Morandini, qui nous poussait toujours à l’extrême et à l’excellence. Le Meurice est un hôtel qui m’a toujours plu. Mais ce n’est pas la même ère. Le challenge me plaît avec un autre chef Jocelyn Herland, et un nouveau poste. Il comprend de gérer le restaurant gastronomique Alain Ducasse au Meurice, le Dalí, le bar 228, la Pâtisserie de Cédric Grolet, le room-service (160 chambres) et le banqueting. Il y a 180 personnes à manager.
Est-ce une promotion interne au Groupe Ducasse ?
SR : Je ne sais pas si je peux parler de promotion. Je suis dans le groupe Ducasse depuis 2017, d’abord en tant que directeur adjoint de la restauration des établissements parisiens Ducasse, puis six mois plus tard, directeur suite à une promotion interne de Delphine Héraud. Cela représente 10 établissements entre les bistros, les brasseries et les étoilés (Benoit). C’était un poste stimulant, très enrichissant qui implique de superviser les restaurants, les équipes (160 personnes au total). Puis, j’ai eu la sollicitation du chef Alain Ducasse pour me confier la restauration du Meurice.
Quels sont les objectifs ?
SB : Parmi les points évoqués avec Alain Ducasse, nous devons maintenir la qualité des points de vente, viser la troisième étoile au restaurant gastronomique, repositionner et renouveler l’offre du bar (créer des accords cocktails avec la pâtisserie de Cédric Grolet, par exemple). Le temps fort de l’hôtel, c’est le tea-time (complet 3 mois à l’avance). Il y a des synergies à trouver avec les autres services. Nous voulons aussi fidéliser une clientèle parisienne.
Dans toutes les expériences, il y a du positif. Le négatif, tu le transformes en positif !
Vous parlez de « stabilité » de poste. Pourtant, dans votre parcours, vous avez souvent travaillé une année ou plus dans les établissements. Était-ce pour acquérir le plus d’expériences différentes possibles ?
SB : Au Bristol et au Meurice, j’ai eu une stabilité en y travaillant deux fois 3 ans et demi. Puis, j’ai enchainé différents postes et ouvertures d’une année, avant d’être aux côtés d’Akrame Benallal durant 3 ans à nouveau. Avec du recul, je pense qu’il faut mettre des expériences qui pèsent sur le temps. C’est ce qui construit ta carrière et ton curriculum vitae et qui plait aux recruteurs. Dans le métier, on peut trouver du travail tout le temps et saisir l’opportunité. Dans toutes les expériences, il y a du positif. Le négatif, tu le transformes en positif ! Quand je vais dans les écoles, je dis souvent aux jeunes de consolider leurs postes dans une entreprise. Je suis donc ravi de rester dans le giron Ducasse et d’avoir cette continuité dans l’univers de l’excellence que j’aime.
Il ne faut pas que l’excellence soit élitiste !
Justement, selon vous, comment définiriez-vous le terme « excellence » ?
SR : Compliqué de définir l’excellence ; elle n’a pas de prix. Tu peux payer 30 euros et avoir un service parfait. Parce que tu es venu chercher un sourire, un accueil personnalisé. L’expérience globale ne peut pas être en fonction du prix. C’est ce que je veux faire au Meurice, désacraliser le palace et l’ouvrir à tous. Il ne faut pas que l’excellence soit élitiste ! Dans n’importe quel lieu (brasserie, étoilé ou bistro), on peut avoir une émotion, un souvenir.

La salle du Restaurant le Meurice Alain Ducasse by Philippe Starck. © Pierre Monetta
Jusqu’à présent, vous vous êtes toujours adapté ; capable de servir dans la brasserie Champeaux, puis à un dîner prestige au Château de Versailles ou sur le bateau Ducasse-sur-Seine… Avez-vous des repères ?
SR : Je pense que c’est une force de s’adapter au lieu où on est. Tous les univers sont transposables. Si quelqu’un me dit « Je veux travailler en pizzeria », mais tant mieux. Car l’objectif commun, c’est de faire plaisir aux clients et de lui donner envie de revenir. Ta technique de base te demande d’autres compétences, mais au final tu es animé par la même passion. L’avantage de faire partie d’un groupe, c’est de pouvoir évoluer en interne. Chez Ducasse, il y a des conventions de transfert où chacun peut avoir son plan de carrière. C’est une force de pouvoir choisir sa destination. Mettre les gens au bon endroit, au bon moment.
Avec la jeune génération, « on est passé d’un management directif à un management participatif »
Côté management, quel regard avez-vous sur la génération actuelle ?
SR : Les jeunes attendent beaucoup de leurs managers. Avant comme aujourd’hui, si tu es exemplaire et que ton discours est cohérent, ils te suivront. Par contre, ils se lassent plus vite, veulent grandir plus vite. On parlait d’une clientèle volage, mais c’est pareil pour la génération actuelle. Il faut s’occuper d’eux, les challenger, les impliquer, les motiver. Ce qui était peut-être moins le cas auparavant. On est passé d’un management directif à un management participatif. Ce métier de plaisir et de passion, c’est aussi un business. On doit donner d’autres outils de pilotage telle la gestion financière d’un restaurant. Les jeunes recherchent un mentor, ce qui a également été le cas pour moi avec Wilfried Morandini – qui savait stimuler les troupes. Je me souviens du tableau d’affichage chaque matin avec les smileys jaune, orange ou rose (déjà vu à Disney) en fonction de sa performance. Il ne faut jamais croire que tu es le meilleur.
Et les concours ?
SR : J’ai fait la coupe Georges Baptiste en 2007 (3èmecatégorie « professionnels », le trophée du Maître d’Hôtel en 2017 (2ème finaliste), et la finale du MOF Maître d’hôtel 2018. Un concours, c’est une remise en question pour soi-même à un moment de ta vie et de ta carrière. Un challenge qui implique de travailler en plus du cadre professionnel. La technique ne suffit pas. Il faut avoir une vision globale, être calé sur plein de connaissances. Je pourrais comparer ; vaut-il mieux être un médecin généraliste et être bon dans tout ? Ou bien être un spécialiste (type chirurgien cardiologue) et ne soigner que le cœur ? Nous, c’est pareil. Vaut-il être un maître d’hôtel généraliste ? Ou un maître d’hôtel dédié à la découpe ? Pour ma part, j’ai tendance à dire qu’un bon maître d’hôtel est un généraliste touche-à-tout ayant des connaissances dans tous les domaines (le café, les vins, les cigares…).
Sa bio en dates :
- 1980 : naissance à Beaupréau dans le Maine-et-Loire (49)
- 1996 : BEP/CAP et BTH au lycée hôtelier Les Sorbets à Noirmoutier (85)
- 1998 : BTS en apprentissage à l’UTEC Marne la Vallée et Disneyland Paris
2000 : chef de rang saisonnier au Grand Hôtel du Cap Ferrat - 2003 : chef de rang au Restaurant d’hiver puis au Restaurant d’été à l’Hôtel Le Bristol (Paris, VIIIe)
- 2004-2007 : assistant maître d’hôtel, maître d’hôtel à l’Hôtel Le Bristol (Paris, VIIIe)
- 2007 : 3èmedans la catégorie « professionnels » à la coupe George Baptiste
- 2007-2010 : premier maître d’hôtel, directeur de salle adjoint à l’Hôtel Le Meurice (Paris, Ier)
- 2010-2013 : directeur de salle au restaurant Antoine (Paris, XVIe)
- 2013-2014 : directeur pour l’ouverture de Goust (Paris, VIIe), puis de Lazare (Paris, VIIIe)
- 2014-2016 : directeur associé du Groupe Akrame
- 2017-2019 : directeur des exploitations Ducasse Paris
- Depuis le 4 février 2019 : directeur de la restauration à l’Hôtel Le Meurice (Paris, VIIIe)
Infos pratiques :
Hôtel le Meurice, 228 rue de Rivoli, 75001 Paris – www.dorchestercollection.com/en/paris/le-meurice/