À 56 ans, ce maître d’hôtel a l’accent chantant, qui officie au Saint-James à Bouliac (33) depuis 2012, a gardé une passion intacte pour son métier. Sorti de l’école hôtelière d’Angoulême (16) il y a 40 ans, ce Montpelliérain avoue volontiers avoir le même dynamisme grâce aux richesses des rencontres, des clients et des équipes, et aux relations humaines qui s’instaurent au fil du parcours. Grand entretien.
Un oeil en salle : Comment êtes-vous arrivé au Saint-James à Bouliac en 2012 ?
Philippe Maraval : Pendant 10 ans, j’ai été le maître d’hôtel du chef Nicolas Magie, lorsqu’il avait son restaurant étoilé La Cape à Cenon (33). Quand il a rejoint le Saint-James à Bouliac (33) en 2012, je devais certainement lui manquer (rires), il m’a proposé d’intégrer l’équipe du restaurant en qualité de maître d’hôtel. J’ai accepté avec grand plaisir ! Nous avions un beau feeling, professionnel et personnel, et surtout une belle relation humaine – qui est primordiale pour moi dans mon métier ! Depuis je m’y épanouis toujours, et je suis l’évolution de cette maison, aujourd’hui dirigée par Yann Potet. La direction de la salle a été confiée à Thibault Severac en octobre 2021, après le départ d’Arnaud Enjalbert. En cuisine, c’est Mathieu Martin, qui a été le sous-chef de Nicolas.
Comment voyez-vous le service en salle ?
PM : Je suis un Méridional, un gars du Sud originaire de Montpellier (34). Je conçois le service en salle comme un spectacle, une pièce de théâtre que l’on joue à chaque service. On partage des plaisirs gustatifs, des émotions… Que le client se sente bien, qu’il oublie ses soucis de la vie quotidienne. Il vient passer deux-trois heures en notre compagnie, où nous avons l’obligation de lui faire passer le meilleur moment. Au Saint-James, c’est particulier, car à Bordeaux (33), c’est une institution locale qui existe depuis plus de 40 ans ! Les gens viennent avec une attente supérieure à ce que l’on pourrait avoir dans un autre restaurant. Ça ne nous oblige pas à être bon, mais à être très bon ! Mais il faut le faire avec plaisir et avec un professionnalisme qui fait la différence ! Lors du briefing, je dis à l’équipe ‘Prenez du plaisir et donnez du plaisir ! Passons tous ensemble, l’équipe et les clients, un bon moment.’ Ça a toujours été ma ligne de conduite.
Quel a été votre parcours ?
PM : J’ai fait l’école hôtelière d’Angoulême (16) en 1984, où j’ai fait ma première rencontre, celle qui m’a donnée envie de faire ce métier, Jean-Luc Tacure, un professeur de restaurant à l‘ancienne. Puis j’ai fait mon service militaire à Paris où j’étais maître d’hôtel à l’Etat-Major de l’armée de l’air. Une belle expérience avec une rigueur que l’on s’impose dans le métier, mais accentuée par le rythme militaire (horaires très précis…). J’ai intégré la chaine Relais&Châteaux en tant que chef de rang à l’Abbaye de Sainte-Croix à Salon-de-Provence (13), puis l’année suivante, le Saint-James à Bouliac pour un an. J’ai été assistant maître d’hôtel pendant deux ans au Relais de Margaux à Margaux (33), avant d’être débauché pour rejoindre l’Hostellerie du Vallon de Valrugues à Saint-Rémy-de-Provence (13) durant six ans, d’abord maître d’hôtel puis premier maître d’hôtel. Je suis parti travailler au Grand Hôtel de Divonnes-les-Bains (01), toujours en tant que maître d’hôtel. Une très belle expérience, le premier casino de France avec de gros moyens (17 personnes en salle pour 45 couverts). Je suis revenu dans la région bordelaise, d’où ma femme est originaire, en tant que premier maître d’hôtel au Château Grand Barrail à Saint-Émilion (33) avec un jeune chef qui débutait sa carrière, Philippe Etchebest (rires). J’ai travaillé 6 ans avec lui, c’était son premier poste de chef et on a fêté son titre de MOF en 2000. Puis, j’ai rejoint Nicolas au Saint-James, la suite vous la connaissez (rires).
Vous avez 38 ans de métier… Avez-vous toujours la même passion ?
PM : Je suis arrivé en 1982 à l’école hôtelière. 38 ans de métier ! Un parcours avec plein de belles rencontres, de personnages différents. Mais oui j’ai toujours la même passion ! Je n’ai jamais arrêté, j’ai enchainé les postes. J’aime ce métier par-dessus tout et la relation humaine que ça m’apporte. Le plaisir que j’ai à donner du bonheur ; le plus beau remerciement est le client qui repart avec un sourire ! L’année dernière, un client me dit ‘Philippe, je viens de passer 3 heures avec vous, j’ai été 3 heures en vacances’. Certains m’appellent par mon prénom car il y a une complicité. C’est extraordinaire ! Je me lève tous les matins avec la même envie.

Selon vous, quelles sont les qualités importantes d’un maître d’hôtel ?
PM : Un très bon maître d’hôtel, c’est quelqu’un qui est réceptif, analyse vite, fin psychologue. Quand le client s’attable, il faut à peine 2 minutes pour le cerner, comprendre ses attentes. L’accueil est très important, notamment le bonjour et la façon de le dire. Ça conditionne le reste du repas. Jusqu’au départ il faut que ce soit parfait !
Que diriez-vous à un jeune qui souhaite se lancer ?
PM : Je dirai que c’est un métier, certes difficile, mais magnifique et passionnant. On se fait de belles amitiés, sincères. On a la possibilité de voyager. On va passer plus de temps au travail que chez soi. J’ai une chance inouïe, c’est que ma femme a fait ce métier pendant 20 ans ! Il faut être passionné pour durer ! La période est compliquée, je n’ai jamais vu ça ! Il faut donc être à l’écoute du jeune, le soutenir, le chouchouter. Mais je suis inquiet, il y a en moi une certaine inquiétude. Mais on ne mettra jamais une machine ou un robot à notre place…
Comment avez-vous vu évoluer les attentes des clients ?
PM : Je vois des choses qui n’existaient pas il y a 20 ou 30 ans… Comme les allergies ! Il faut gérer cela au quotidien lors de la prise de commande. Et puis, j’ai connu la fin d’une génération pour la suivante – avec l’évolution des réseaux sociaux. Dès que le client sort, la première chose qu’il fait, c’est de sortir son portable pour poster une photo ou commenter son expérience au restaurant ! D’une certaine manière, il connait mieux le métier que nous (rires). Parce qu’il se permet de juger. C’est fou, comment peut-on nous juger alors qu’on passe parfois 15 heures par jour au travail ? Notre métier est de plus en plus dans la pédagogie, l’explication. On parle avec la petite touche d’humour qui va bien. Le mauvais commentaire ne m’a jamais atteint. Enfin, je dis ça peut être parce que je n’en ai pas eu beaucoup… (rires). Notre métier est un éternel recommencement ! Il faut s’adapter à chaque situation. Certains changent 3 à 4 fois de métier dans leur vie, moi ça ne sera pas le cas.
Une anecdote à raconter ?
PM : Il y en a beaucoup ! Ah oui, une, très drôle ! Un jour, un client habitué vient déjeuner avec une femme, très élégante. Le soir, il revient, cette fois avec son épouse. Et moi, je fais comme si je ne l’avais pas vu le midi. ‘Bonjour, Monsieur X, je suis ravi de vous revoir…‘ Le client rentre dans mon jeu. Et puis, il me répond : ‘Philippe, j’étais là à midi ?’ ; ‘Ah bon’ ; ‘Oui oui, j’étais d’ailleurs avec une charmante dame, me répond-t-il, en plaisantant, devant sa femme. C’était ma sœur !’ On a tellement rigolé. Il avait joué le jeu, exprès, pour voir ma réaction. La discrétion est le maître-mot dans notre métier !
Sa bio en dates :
Bio express de Philippe Maraval :
- 1966 : naissance à Montpellier (34)
- 1982 : CAP restaurant au lycée hôtelier d’Angoulême (16)
- 1984 : service militaire
- 1987 : chef de rang à l’Abbaye de Sainte-Croix à Salon-de-Provence (13)
- 1988 : chef de rang au Saint-James à Bouliac (33)
- 1989 : assistant maître d’hôtel au Relais de Margaux à Margaux (33)
- 1991 : maître d’hôtel, premier maître d’hôtel à l’Hostellerie du Vallon de Valrugues à Saint-Rémy-de-Provence (13)
- 1997 : maître d’hôtel au Grand Hôtel de Divonne-les-Bains (01)
- 1999 : premier maître d’hôtel au Château Grand Barrail à Saint-Émilion (33)
- Depuis 2012 : maître d’hôtel au Saint-James à Bouliac (33)
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Infos pratiques :
- Saint-James
- 3 Pl. Camille Hostein, 33270 Bouliac
- reception@saintjames-bouliac.com
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