Les amateurs de vin s’en plaignent. Au restaurant, les vins rouges sont souvent servis trop chauds ou trop froids. Initié par les vignerons de Crozes-Hermitage, un appel sonne l’alarme. Et les professionnels peuvent s’engager.
Qui n’a pas fait l’expérience (désagréable) d’un vin rouge dégusté trop chaud, écrasé par l’alcool ? Car il en est pour le vin comme pour la cuisine, la température de service conditionne la dégustation. Bien sûr, un mauvais vin ne deviendra pas bon par la magie de la température (c’est pareil pour un plat) mais un très grand vin décevra inévitablement les convives s’il est servi trop chaud (ou trop froid). C’est pourquoi les vignerons de Crozes-Hermitage, l’un des crus du nord de la Vallée du Rhône, se sont décidés à rédiger et à publier un appel pour sensibiliser les professionnels et les consommateurs à la question.
Présenté en mai, leur appel, co-signé par une cinquantaine de chefs et de sommeliers de renom, a suscité de nombreuses retombées dans la presse spécialisée mais aussi dans les grands médias avec des articles notamment dans Le Monde et Le Figaro. Aussi, les vignerons de Crozes-Hermitage se sont résolus à ouvrir l’appel à la signature de tous ceux qui souhaitent le soutenir, qu’ils soient vignerons, professionnels de la restauration ou simples amateurs de vin. Un formulaire pour signer est désormais en ligne sur leur site.
Le secteur de la restauration peut et doit s’engager
Dans les restaurants, les brasseries ou les bars à vin, les professionnels ont évidemment un rôle à jouer, en servant les vins à bonne température mais aussi en faisant preuve de pédagogie. Il se trouve en effet que les jeunes générations consomment du vin surtout en-dehors du domicile : c’est donc dans les restaurants, les brasseries ou les bars à vin qu’elles apprennent à comprendre et à affiner leurs goûts. Les professionnels peuvent donc les accompagner dans cette découverte et les inviter à prendre soin, à la maison, à servir le vin dans le respect de la température. L’appel vise ainsi à réhabiliter ce qu’on appelle le chambrage des vins rouges. Le chambrage, c’est ce mot, quelque peu passé de mode, qui désigne l’ensemble des techniques permettant de servir un vin rouge entre 14 °C et 18 °C, soit à une fourchette de températures qui se situe bien au-delà de la température de sortie du frigo et généralement en-deçà de la température ambiante.
Mais pourquoi faut-il servir les rouges entre 14 °C et 18 °C ?
Une notice jointe à l’appel donne la réponse. Rédigée avec l’aide de deux éminents chercheurs, Marc-André Selosse, biologiste et professeur au Muséum national d’histoire naturelle, et Gabriel Lepousez, neurobiologiste et chercheur en neurosciences, elle raconte comment la température influe sur la perception d’un vin. La cause, c’est ce qu’on appelle en science le principe de l’agitation thermique. Cette loi, qui tient de la physique et de la chimie, veut que les molécules, qui sont les structures de base de toute matière, s’agitent de plus en plus au fur et à mesure que la température s’élève. Or, ce faisant, elles vont à la fois, dans le cas d’un vin, modifier son équilibre et altérer le fonctionnement de nos capteurs sensoriels.
L’expérience a ainsi prouvé que la température jouait un rôle décisif dans l’appréciation (ou non) d’un verre de vin. Et elle a aussi montré que la température optimale pour un vin rouge se situait empiriquement entre 14 °C et 18 °C. Hors de cette zone, point de doute : on trahit le travail du vigneron et on gâche le plaisir du consommateur ! Une remarque : les professionnels remarqueront qu’il vaut mieux servir un vin rouge à 14 °C plutôt qu’à 18 °C car un vin un peu froid pourra se réchauffer au cours du repas alors qu’un vin servi à la limite supérieure va vite la dépasser et entrer en surchauffe. C’est aussi ce niveau de détail qui fait un service réussi. Bref, signez et faites signer l’appel, et faites-en la publicité pour montrer à vos clients que votre établissement est attentif à servir les vins rouges à la bonne température !