Fort de 30 ans d’expérience dans la restauration étoilée (Hôtel de Crillon, Mandarin Oriental), David Biraud, qui s’est distingué à de nombreuses reprises à des concours en sommellerie en France et à l’international, donne un nouveau virage à sa carrière professionnelle tourné vers l’enseignement. Depuis le 16 septembre 2024, il est le directeur de Kedge Wine School. Entretien exclusif.
Un oeil en salle : Après 14 ans au Mandarin Oriental Paris, vous avez quitté le palace parisien cet été. Pouvez-vous revenir sur cette expérience ?
David Biraud : J’ai eu la chance de participer à l’ouverture du Mandarin Oriental Paris en 2011, notamment à la table doublement étoilée Sur Mesure avec le chef Thierry Marx, en qualité de directeur de restaurant et chef sommelier. J’ai aussi assisté à sa fermeture. À la suite de cette décision, le groupe Mandarin Oriental m’avait donné une autre mission : gérer l’équipe du all day dining, le Camélia. Une mission qui m’a beaucoup plu ! Parce que ça m’a permis de « goûter » à un management plus varié et divers encore, et surtout avec une équipe plus nombreuse (près de 30 personnes). Et une grande amplitude horaires, 7 jours sur 7, du petit-déjeuner au dîner. C’était gratifiant pour moi que la direction me fasse confiance pour mener à bien cette mission. Celle-ci est devenue en effet temporaire, car entre-temps j’ai été contacté par Kedge pour prendre la suite de Jérémy Cukierman, en tant que directeur de la Wine School.
Était-ce une volonté de quitter l’opérationnel ?
DB : Non, comme je l’ai dit lors de mon départ du Mandarin Oriental, je ne quitte pas le Mandarin car je ne m’y sentais pas bien. Au contraire, j’y étais même très bien. Le Groupe m’a fourni ce qui pour moi est essentiel pour mener à bien une carrière sur une certaine durée dans un palace : c’est la liberté d’expression ! Une liberté d’expression à tout point de vue : le management, l’ambiance que tu installes dans un gastronomique, l’élaboration de la carte des vins… J’envoie des remerciements envers le Groupe, et puis Thierry Marx et le directeur général Philippe Lebœuf qui m’ont embauché en 2011. C’est très précieux, et c’est ce que j’ai dit lors de mon discours de départ. Car j’ai eu une après-midi de remerciements, très sympathique et chargée en émotions. « Merci de m’avoir fait grandir ! » J’arrivais du Crillon où j’étais chef sommelier. Et au Mandarin Oriental, j’avais la double casquette de directeur de restaurant et chef sommelier pendant 14 ans. J’ai donc eu ce rôle de manager et de chef sommelier à la fois. Ça été très formateur. Un départ donc pour un nouvel horizon…
Pourquoi avoir accepté d’être directeur de Kedge Wine school ?
DB : Je ne manquais pas d’énergie pour être sur le « floor » et au contact des équipes. Cette proposition de Kedge Wine School permet d’entamer un nouveau pan de ma carrière professionnelle avec de la nouveauté. Et ce qui me plaît aussi, c’est d’avoir toujours du management avec ce poste de direction. Je ne suis plus un intervenant de cette école en donnant des cours. J’ai une équipe de 8 collaborateurs à mes côtés. J’ai officiellement démarré le 16 septembre 2024.
« Je vais réfléchir à de nouveaux contenus pédagogiques grâce à mon expérience de chef sommelier de terrain. Je compte aussi piloter les activités expérientielles, telles que les dégustations, les voyages dans le vignoble et les conférences. »
— David Biraud, directeur de KEDGE Wine School depuis le 16 septembre 2024
Quelles sont vos missions ?
DB : Je dois définir la stratégie de développement avec des bases qui sont déjà très bonnes. Je vais réfléchir à de nouveaux contenus pédagogiques grâce à mon expérience de chef sommelier de terrain. Je compte aussi piloter les activités expérientielles, telles que les dégustations, les voyages dans le vignoble et les conférences. Il y a de nombreux professionnels qui se forment à Kedge Wine School. Ce qui me permet de continuer à véhiculer une image très haut de gamme de la formation vin. Lors de mon recrutement, Alexandre de Navailles, directeur général de Kedge Business School, était intéressé par mon passé de 30 ans dans la restauration étoilée. Il me disait que dans les palaces, il y a un vrai savoir-être et un savoir-faire indéniables, en corrélation totale avec l’exigence des clients haut de gamme de cette école de commerce. Son aura est impressionnante avec des milliers d’étudiants. Je compte apporter un oeil neuf, plus tourné vers le terrain.
Comment se passent vos premiers jours ?
DB : Je suis basé à l’école à Paris (12ème arrondissement). Je suis descendu deux jours pour rencontrer une partie de l’équipe à Bordeaux. Il y a un campus, en plus de celui de Marseille. C’est chouette d’avoir 3 différents campus, et à proximité de différentes régions viticoles ! Il y a des professeurs qui sont des chercheurs, dont certains dispensent des cours en lien avec le vin (le marketing, la consommation des vins rosés et tout plein de sujets). L’équipe attend de moi, mon retour très frais des habitudes de consommation des clients. Ça peut leur ouvrir des orientations de recherches…
Pouvez-vous nous parler des intervenants extérieurs ?
DB : Ce qui est amusant, c’est que l’on m’a montré en début de semaine, le planning de travail des élèves en Master « Business Wine et Hospitality », je vois le nom Guirec Aubert. Il est le nouvel intervenant pour son expertise pointue sur les bières. Et c’est lui-même qui m’a entrainé lorsque je préparais les concours, dont le Meilleur sommelier du monde. Idem pour Estelle Touzet, Alexandre Vingtier (sur les spiritueux), Franck Ramage… Une grosse partie des intervenants extérieurs, ce sont des personnes qui m’ont aidé ou qui m’ont fait grandir. Je retrouve différentes personnalités du secteur. Comme si je retrouvais « mon » équipe d’entrainements aux concours, tout cela au service des étudiants.
Quels sont les profils des étudiants ?
DB : Avec l’accueil du Wine Hospitality, il y a des étudiants qui viennent de différents pays (Chine, Inde, Corée du Sud, États-Unis, France…) avec des profils divers. Qu’est-ce qui les unit tous ? Un déclic dans leur vie avec un événement lié au vin. La réputation de Kedge est un avantage certain pour mener à bien leur projet professionnel dans l’industrie.
Ce nouveau chapitre de ma carrière permet de me recentrer autour du produit qu’est le vin pour faire ce que j’aime depuis toujours : transmettre.
Hors Kedge, vous êtes également impliqué dans le milieu associatif et la préparation aux concours…
DB : En effet, je suis membre de l’Union de la sommellerie française (UDSF), présidée par Fabrice Sommier, ou même d’entraineur avec la Team France UDSF avec la préparation de Pascaline Lepeltier [elle concoure au Meilleur sommelier d’Europe qui se tiendra en novembre prochain en Serbie], mais aussi d’ancien compétiteur de concours en sommellerie (NB dans l’encadré ci-dessous). Je vais mettre tout ceci au service de Kedge. Elle me donne l’opportunité d’entamer un nouveau chapitre de ma carrière professionnelle. Et de me recentrer autour du produit qu’est le vin pour faire ce que j’aime depuis toujours : transmettre. Tout au long de mon parcours, j’ai eu à coeur de former des jeunes, qui sont aujourd’hui devenus des bons professionnels : Matthias Meynard, Maxime Courvoisier, Pierre Vila Palleja et tant d’autres… Ce nouveau chapitre est gratifiant pour transmettre. Ça a beaucoup de sens pour moi…
Sa bio en dates :
Diplômé en sommellerie du lycée technologique d’hôtellerie et de tourisme de Talence/Bordeaux, il a acquis sa réputation en officiant pendant 16 ans aux Ambassadeurs de l’Hôtel de Crillon, avant de prendre la tête de la sommellerie au restaurant Sur Mesure de Thierry Marx au Mandarin Oriental Paris, où il a également géré la néobrasserie Le Camelia. Reconnu pour son expertise et son engagement dans le domaine de la sommellerie, David Biraud a remporté plusieurs distinctions prestigieuses, notamment le Trophée Ruinart du meilleur jeune sommelier de France en 1998, ainsi que les titres de Meilleur Sommelier de France en 2002 et de Meilleur Ouvrier de France en 2004. À l'international, il s'est distingué en obtenant la 2ème place aux concours du Meilleur Sommelier d'Europe en 2010 et 2013, et du Meilleur Sommelier du Monde en 2016.
Infos pratiques :
- Kedge Wine School
- https://wine.kedge.edu/