Arrivé en 2006 au Grand Monarque à Chartres (28), le chef sommelier Nicolas Duclos veille sur une cave riche de 2600 références, dont 1300 pour les vins ligériens. Sous l’impulsion de la famille Jallerat, l’institution chartraine a participé à la renommée des vins de Loire, notamment à travers sa « Paulée » qui a célébré ses 40 ans en 2023. Rencontre avec Nicolas Duclos, discret charentais de 42 ans, qui participe chaque année à la bonne organisation du dîner de clôture, mais aussi à la gestion des deux caves et à l’élaboration de la carte des vins, primée depuis 2007.
Un oeil en salle : La cave dispose de 30 000 bouteilles, 3 000 références, dont 1 300 références dédiées à la Loire. Pouvez-vous nous en parler ?
Nicolas Duclos : Les vins de Loire dans notre cave sont l’héritage de Georges Jallerat et Jacques Puisais, les deux créateurs de La Paulée. L’évènement a permis aux vignerons des appellations de Loire de grandir, pour aboutir aujourd’hui à des vins extraordinaires. Ce rendez-vous majeur, organisé par Le Grand Monarque, nous a aussi permis de nous démarquer, en obtenant des allocations sur de très beaux domaines que certains ne peuvent pas, ou plus, avoir. C’est devenu notre politique maison, on veut se différencier et être une référence sur les vins de Loire, en prenant le temps de faire vieillir des vins chez nous, achetés directement auprès des producteurs. Si je prends l’exemple du Clos Rougeard par exemple, il ne doit pas nous manquer un seul millésime si on remonte jusqu’à 2006… C’est unique !
Quelle est votre politique en matière de prix ou de vieillissement des vins ?
ND : Ces derniers temps, Bertrand Jallerat m’a proposé de stocker de beaux cabernets de Loire pour les faire vieillir. C’est très agréable d’avoir un propriétaire aussi passionné et impliqué sur toute la partie vin. Il comprend parfaitement l’intérêt de prendre le temps. Il m’arrive de servir des Sancerre de 2018 alors que toutes les maisons ont déjà écoulé leurs bouteilles. Pourtant, c’est clairement le meilleur moment pour les ouvrir et les apprécier. Nous avons une clientèle de fins connaisseurs qui savent que pour 60 à 70 euros, ils peuvent s’offrir chez nous une belle bouteille que ce soit au restaurant gastronomique Le Georges*, à notre brasserie La Cour ou au bistrot Racines. Il y a quelques habitués parisiens notamment qui font le trajet spécialement pour cela. Avec les apéritifs, les dégustations en cave ou à l’aveugle, les banquets pour les grands groupes ou les Happy Hour Grands Crus au bar le Madrigal, où les bouteilles sont vendues pour l’occasion à des prix producteurs, nous essayons de multiplier les formes d’accès au vin, de le démocratiser, tout en s’assurant de pouvoir toucher des novices comme des passionnés exigeants.
La Paulée a fêté ses 40 ans en 2023. Depuis 16 ans, vous participez activement au choix des vins du grand dîner de clôture. Comment se déroulent les préparatifs ?
La Paulée se met généralement en place lors du weekend du Salon des vins de Loire à Angers, début février. Olivier Poussier (meilleur sommelier du monde en 2000), deux ou trois vignerons de Loire habitués, et moi-même, érigeons une liste de nos coups de cœur de l’année. Nous demandons ensuite des échantillons, pour un repas test chez le chef invité, autour des plats qui seront servis pendant à la Paulée. Nous observons ensuite s’il y a concordance. Et, si ce n’est pas le cas, nous cherchons une cuvée qui fonctionne davantage. Évidemment, chaque année, le chef change. Sa cuisine aussi. Il nous faut donc repartir d’une page blanche et échanger avec son chef sommelier. C’est un véritable exercice en soi. Globalement, nous retenons au départ une trentaine de vins, pour n’en garder qu’une dizaine. Ce sont quasi exclusivement des vins de Loire, les quatre premiers vins servis sont des vins de l’année, et ensuite on part sur des vins qui ont déjà vécus. Je me souviens d’un Vouvray de 1962 servis sur une Paulée qui était phénoménal. L’an dernier, c’est un Saumur Blanc, Domaine La Porte Saint-Jean de 2017 qui avait marqué les esprits !
Quels sont vos meilleurs souvenirs ?
ND : Chaque Paulée a son beau moment ! C’est surtout la rencontre avec tous les acteurs. Ma première Paulée était en 2007 avec Alain Senderens. Je me souviens d’un échange passionnant avec le chef sommelier Patrick Borras et le chef Pierre Gagnaire, une superbe édition ! Mais aussi une autre belle Paulée avec le chef Thierry Drapeau. Je repense aussi à plusieurs tête-à-tête, notamment avec le chef Thierry Marx à discuter des vins dans un salon. Ça reste des bons moments !
Engagement sociétal
Le Grand Monarque s’inscrit dans sa ville en créant par exemple des soirées « cave et crypte » qui permettent une dégustation mets et vins en préambule d’une visite de la crypte de la Cathédrale de Chartres.
Les 30 000 bouteilles sont réparties dans les deux caves, l’une baptisée « Jean Carmet » (photo de l’entrée @ Grand Monarque Chartres) et la seconde, « Jacques Puisais », inaugurée en 2021.
Est-ce que vous travaillez avec tous les vignerons présents au marché de La Paulée ?
ND : Les vignerons qui sont sur le marché travaillent généralement avec le Grand Monarque toute l’année et sont des historiques de la Maison. Les nouveaux sont sélectionnés pour le repas de la Paulée. Ce sont de jeunes vignerons qui apportent du sang neuf sur les appellations Loire. Ils sont le fruit de découvertes, de lectures dans les magazines, d’échanges avec des consoeurs ou confrères sommeliers, avec des agents également… Je me rappelle bien de Vanessa Cherruau. Nous avions été les premiers à la découvrir en 2019, de manière assez inattendue. Nous discutions avec Romain Guiberteau au salon des vins d’Angers, et c’est lui qui nous avait invité à la rencontrer, et ça avait été un vrai coup de cœur, avant qu’elle ne soit connue. On est toujours à l’affut de ça, et nos clients, qui sont parfois très pointus, nous font de belles recommandations. Tous ces vins ne se vendent pas forcément beaucoup à la carte, mais ils viennent en complément. Nos achats en marge des Paulées, cumulés aux remontées d’Olivier Poussier, ou aux adresses des restaurants invités, étoffent considérablement notre cave. C’est ce qui explique sa richesse et sa grande diversité.
Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier de sommelier ?
ND : Découvrir les vins, aller chercher des nouveautés, et les partager à la clientèle.
Vidéo de Nicolas Duclos au marché de la 40ème Paulée des vins de Loire :
Sa bio en dates :
Sa bio express :
- 1980 : naissance
- 1996-2001 : lycée privé Saint-Joseph L’Amandier à Saint-Yrieix-sur-Charente (16)
- 1999 – 2006 : commis sommelier Relais &Châteaux Hôtel du Centenaire Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil (24)
- 2002 – 2004 : sommelier à Tylney Hall Hotel à Hook (Angleterre)
- 2004 – 2005 : sommelier à The Vineyard à Newbury (Angleterre)
- 2005 – 2006 : sommelier à l’Hôtel Le Centenaire à Sarlat (24)
- Depuis 2006 : chef sommelier au Grand Monarque à Chartres (28)
- 2019 : carte des vins de l’année par la Revue des Vins de France
- 2022 : prix Sommelier Accord Mets et Vins par l’Académie Internationale de la Gastronomi
Sur le même sujet :
40ème Paulée des vins de Loire : un événement devenu incontournable pour la région du Centre-Val-de-Loire
Vieille canaille de salle : 27 ans / Christophe Vuillard, Le Grand Monarque à Chartres
Charlotte de Calbiac (Bistrot Racines, Chartres) : « J’ai vu la bascule entre le job d’appoint et le côté professionnalisant du métier »
Infos pratiques :
- Grand Hotel Le Monarque
- 22 Pl. des Épars, 28000 Chartres
- https://www.grand-monarque.com/fr/