Le Collège Culinaire de France a mis en place des groupes de travail pour apporter des réflexions sur les enjeux de l’expérience au restaurant post-Covid. Un oeil en salle a participé à l’une des conférences téléphoniques sur le thème « Comment inventer une nouvelle relation avec les clients ? » Les acteur.rices de salle sont en pleine lumière. On vous fait un récap’ des échanges.
La crise sanitaire que nous traversons actuellement, a fait évoluer les modes et les pratiques de consommation. On ne parle plus de consommateur, mais plutôt de « consomm’acteur » : un consommateur à la recherche du local, de producteurs en direct, soucieux de l’origine et de la saisonnalité des produits. Depuis sa création en 2011, le Collège Culinaire de France (CCF) défend la relation entre les 4 maillons composant une chaîne de qualité au sein d’un restaurant : le producteur/artisan, la cuisine, le service et le client. Des maillons aussi importants les uns des autres, qui ne peuvent être dissociés. Cette période confirme plus que jamais l’importance d’entretenir davantage le lien entre ces 4 maillons, chacun étant amené à s’adapter à la situation et à inventer une nouvelle relation de confiance. « Je pense qu’on ne doit pas inventer, mais réinventer la relation avec son client, dit d’emblée Jean-Pierre Giraud, consultant tonnelier. Chacun a appris à se faire manger, à cuisiner avec des produits de qualité pendant la période de confinement ; mais ces clients, une fois la crise passée, reviendront dans les restaurants. Il va falloir coller aux nouvelles normes d’hygiène, se remettre en question, créer de nouvelles expériences. Parmi les idées, repérées lors de mes voyages, j’ai vu un restaurant en Nouvelle-Zélande qui faisait patienter ses clients dans un sas pour contrôler les flux, et dans lequel sont exposées des bouteilles de vins avec le prix indiqué dessus. Les clients peuvent choisir eux-mêmes leur bouteille et l’apporter à leur table, sans que personne ne la touche. Cette solution permet à la fois de fluidifier les arrivées, et aussi d’inciter à acheter. »
Humain, confiance, transparence, convivialité
Anne-Sophie etStéphane Galon, restaurateurs Le Galon Ar Breizh à Fougères (35), ont maintenu le lien avec leurs clients via les réseaux sociaux. « Tout le monde a développé sa communication depuis mars. En plus du site Internet, nous avons lancé un blog avec des articles. Nous avons fait des sujets où nous valorisions le savoir-faire paysan, nos producteurs, et aussi certains où nous donnions de nos nouvelles. Ceux qui ont le plus fonctionné ? Quand nous parlions de nous, alors que nous ne sommes pas trop partisans de nous mettre en lumière. Mais cette période renforce l’importance de l’humain ! Malgré les gestes barrières qui doivent être respectés, le sourire et la conviction du personnel de salle seront primordiaux ! Nos convives vont être en recherche de plus de transparence, de sincérité, de convivialité. Le parcours client ne commence pas à son arrivée au restaurant, mais avant, dès la prise de réservation. À notre sens, cette expérience devra être encore plus personnalisée. »
Une vision partagée par Marie Schmitt Di Meo, restauratrice Le Cherche Midi à Paris (75) : « l’humain est au cœur de nos métiers. Valoriser son équipe, ses producteurs : le grand public a besoin d‘avoir un contact avec d’autres personnes. » Sandrine Chappaz, Chocolaterie Chappaz à Saint Laurent du Pont (38), a, elle aussi, misé sur le digital pour capter de nouveaux clients. « J’ai acheté ma première pub Facebook pendant le confinement en indiquant un rayon de 25 kilomètres autour de la Chocolaterie. J’ai touché 13 000 personnes, et attiré de nouveaux clients, dit-elle. Le fait de poursuivre mon activité, ça m’a permis de préserver la relation de confiance avec les clients, et de l’approfondir ! » Conserver cette relation de confiance est un enjeu important lors de la réouverture des établissements. Car elle permet de rassurer. « Peut-être que nous devrons montrer nos coulisses ? », se questionne Stéphane Galon. « Pourquoi ne pas faire un service au guéridon, plutôt qu’un service à l’assiette – où la cuisine est cachée », soumet sa femme, Anne-Sophie. La confiance peut s’établir via les réseaux sociaux, comme évoqué précédemment, mais avant tout par des actions concrètes. Comme l’hygiène et la propreté (prévenir la clientèle des mesures concrètes mises en place) ; la transparence (lister les producteurs dès la première page du menu pour rassurer). Enfin, faire un sourire (même s’il est caché par un masque : on peut imaginer un masque sourire en guise d’humour ?) ne coûte rien, et c’est sur cet aspect-là qu’il faut miser. À la reprise de l’activité des CHR, les relations humaines seront encore plus renforcées. Et c’est là que les acteur.rices de salle ont leur carte à jouer ! Car c’est eux qui vont sécuriser, rassurer, fidéliser les clients. Le travail de salle, souvent perçu dans l’ombre, semble, post-Covid, être aujourd’hui sous le feu des projecteurs…
Les échanges et les réflexions des groupes de travail mis en place par le Collège Culinaire de France, vont faire l'objet d'un "carnet d'inspiration" - qui sera envoyé à chacun des membres et rendu accessible par tous. "Ces groupes de travail ont été très riches de modèles et de mesures. Ils ont permis de rappeler l'importance des différents maillons d'un restaurant, et du rôle d'une équipe", précise la secrétaire générale Célia Tunc. Lancé le 2 juin, un site web a même été créé, réalisé à partir des idées proposées par les membres du Collège Culinaire de France : https://carnetdinspiration-ccf.squarespace.com
Quelques idées évoquées pour développer et accentuer l’expérience client:
– Faire entrer les clients directement par la cuisine du restaurant ou par le lieu de production (principe des Bouchons Lyonnais) : compliqué à mettre en place dès la sortie du confinement mais bonne idée à garder pour une expérience client unique).
o Permet de faire ouvrir les yeux aux consommateurs sur l’endroit où ils posent les pieds. Ils se rendent comptent du travail réalisé en amont par toute une équipe investie, avant que le serveur dépose l’assiette.
– Faire patienter les clients dans un sas pour contrôler les flux (exemple : un sas dans lequel sont exposées des bouteilles de vins avec le prix indiqué dessus. Les clients pourront choisir eux-mêmes leur bouteille et l’apporter à leur table, sans que personne ne l’ait touchée).
o Permet de faire ouvrir les yeux aux consommateurs du large choix et de la sélection que le restaurant peut offrir à ses clients en termes de vins ou autres alcools.
– Ouvrir les coulisses de la cuisine afin de faire profiter le client de la conception de son plat et du parcours culinaire.
– Mettre en place le service en guéridon :
o Permet d’éviter le croissement en cuisine : le client voit que l’on dresse l’assiette devant lui ce qui rassure également.
– Accueillir un particulier durant une journée au restaurant : cuisiner un menu avec le chef et vivre un service
– Quid de créer une « carte de fidélité CCF » ? Elle ne donnerait pas accès à des repas gratuits, mais plutôt à des expériences uniques : une matinée en cuisine avec les équipes, une visite chez un producteur avec le chef