À 43 ans, Matthieu Chausseron, qui a officié quasiment 20 ans dans les établissements étoilés parisiens, a accepté un challenge lyonnais au sein de la maison Têtedoie du chef éponyme Christian Têtedoie. Arrivé le 5 décembre 2017, ce directeur de salle a restructuré le service, en cohérence avec la cuisine, avec l’objectif d’aller chercher ensemble la deuxième étoile.
Un oeil en salle : Qu’avez-vous apporté depuis votre arrivée au Restaurant Têtedoie ?
Matthieu Chausseron : Ça fait un peu plus d’un an que je suis arrivé en tant que directeur de salle, le 9 décembre 2017. Nous avons d’abord restructuré l’équipe, au nombre de 20 collaborateurs (capacité de 60 places assises). Je ne suis pas tout seul, mais entouré d’un adjoint Mikhael Lyoubi et Tristan Picot, chef sommelier en poste depuis 4 ans. Le style du service est chic et décontracté, en balayant le côté guindé que l’on peut retrouver dans certains restaurants gastronomiques. Notre équipe est jeune et motivée, et nous voulons être au plus proche du client avec une prise en charge suivie de l’accueil à son départ.
Vous avez une carrière essentiellement parisienne, quel challenge vous a plu ?
MC : J’ai quasiment toujours travaillé à Paris (Guy Savoy, L’Atelier de Joël Robuchon Etoile, Lucas Carton-Alain Senderens Paris, La Dame de Pic Paris). Je voulais voir autre chose, avoir un confort et une qualité de vie. J’ai aussi choisi Lyon pour sa qualité de vie, et le fait que ce soit à 2 heures en TGV de Paris. Parmi les 3 établissements où j’étais en contact, le Restaurant Têtedoie m’a parlé de suite. J’ai d’abord accroché avec le chef Christian Têtedoie, très humain, et ses projets. La marque Têtedoie est bien implantée à Lyon, et j’avais envie de participer à développer le nom. C’est une maison qui a déjà des acquis, le challenge est là. Et puis, nous visons clairement la deuxième étoile Michelin. On travaille dessus. Le chef nous laisse carte blanche, et s’intéresse de près au service en salle.
Que pensez-vous de la phrase « le client est roi » ?
MC : On est tributaires des clients, mais attention à trouver le juste milieu. L’hôtellerie l’a bien compris avant la restauration. Par exemple, pour les réservations, certains abusent un peu. Un jour, un client réserve un salon pour le déjeuner jusqu’à 16 heures. Nous avions une autre privatisation le soir. Les convives sont partis… à 17h30. Le client est roi, ok, mais à sa juste valeur. Il y a du bon sens et du respect. Il faut se mobiliser, professionnels, pour faire comprendre certaines choses. On reste un commerce. On ne peut pas se dire « On va au restaurant alors tout est permis ! »
Répondez-vous aux avis négatifs et positifs laissés par les clients ?
MC : Je lis tous les commentaires (Tripadvisor, La Fourchette, …). Nous avons des alertes, et un mail part automatiquement. Le chef n’est pas favorable, pour l’instant, à répondre à chaque avis ; le lieu d’échange avec les clients est ici, au restaurant, et non sur Internet. Tout le personnel a accès aux commentaires pour se tenir informés, et on en tient compte. J’appelle certains clients, là où ça nous titille afin d’avoir plus d’explications.
Trouvez-vous que la clientèle a changé ?
MC : J’ai 40 ans passés, cela fait plus de 20 années que je suis dans le métier. Je pense que les clients sont plus compliqués à gérer. Parfois, j’ai l’impression de retourner en enfance et de jongler entre le « j’aime » ou « je n’aime pas ». Il y a plus d’intolérances alimentaires et d’allergies. Ça n’a jamais été autant le cas avant. Sur un service, j’ai souvent 3 à 4 tables qui vont bien. Mais une fois de plus, on est là pour satisfaire le client et qu’il passe un bon moment.
Cela veut-il dire que vous passez plus de temps à la prise de commande ?
MC : Oui, c’est plus long. On fait la prise de notes de tête, et écrite en office après. Je réfléchissais à ça, sachant que plus de monde à ses intolérances. Nous pourrions imaginer un QCM à remettre au client à table, ce qui permettrait de se concentrer sur le contact humain et non sur les produits qu’ils n’apprécient pas ou qu’ils ne tolèrent pas. Voire proposer ce QCM sur tablette afin que les informations soient directement enregistrées dans le cardex.
D’ailleurs, où en êtes-vous sur la digitalisation ?
MC : L’accueil client est primordial. Pour l’instant, à part la caisse, nous n’avons pas d’outil technologique, ni même une carte sur tablette. Nous sommes présents sur la toile et les réseaux sociaux (Facebook, Instagram), et faisons des veilles des guides ou des sites de réservation.
Êtes-vous vigilant à la posture en salle ?
MC : Le client est assis ; nous, on est debout. La posture est donc importante. Nous faisons attention à l’attitude, ne pas avoir les bras croisés, ni les jambes, ne pas être avachi sur une table. Ce sont des détails mais nous sommes sur une scène où le client nous scrute et sommes visibles. Il faut en effet être vigilant au savoir-être.
Qu’avez-vous mis en place ?
MC : J’ai voulu harmoniser le service. Nous avons une tenue vestimentaire identique. Nous avons aussi pensé à des détails qui font la différence dans les étoilés : une boîte à lunettes pour ceux qui ont oublié les leurs, des supports de menus et un porte addition au design cohérent, un porte sac pour les dames, etc.
Avez-vous des projets pour le Restaurant Têtedoie ?
MC : L’établissement est ouvert 7 jours sur 7. Chacun a 2 jours consécutifs, et travaille en coupure et en continu. Nous souhaitons mettre en place le 4/3, soit 4 jours de travail dont un continu. L’objectif : assouplir les heures de présence.
Sa bio, en dates :
- 1975 : Naissance à Paris (75)
- 1994 : CAP/BEP professionnel restauration à Tecomah à Jouy-en-Josas (78)
- 1995 : Baccalauréat professionnel restauration service de salle à Tecomah à Jouy-en-Josas (78)
- 1998-2000 : chef de rang au Restaurant L’Aubergine à Londres (Angleterre), puis à L’Ermitage à Vufflens le Château (Suisse)
- 2000-2003 : maître d’hôtel, responsable du personnel au Restaurant Guy Savoy à Paris
- 2003-2004 : maître d’hôtel au restaurant Hélène Darroze à Paris
- 2004 : directeur de restaurantà La Ferme St Siméon à Honfleur (14)
- 2004-2014 : 1ermaître d’hôtel au restaurant Senderens-Lucas Carton à Paris
- 2014-2016 : directeur de restaurant à L’Atelier de Joël Robuchon Étoile à Paris
- 2016-2017 : directeur de restaurant à La Dame de Pic à Paris
- Depuis décembre 2017 : directeur d’établissementau Restaurant Tetedoie à Lyon (69)
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Infos pratiques :
Restaurant Têtedoie, 4 rue Professeur Pierre Marion, 69 005 Lyon – http://tetedoie.com/restaurant/