En cette période de déconfinement, Benjamin Joinville, directeur de salle et sommelier à Solstice à Paris (Ve), nous envoie ce texte nommé « Salles vides, coeurs pleins », relatif aux opportunités qu’offrent la situation actuelle au développement des métiers de salle.
« Qu’elles sont tristes nos salles de restaurants dépourvues de clients, de fournisseurs assurant des livraisons parfois expresses (double file oblige) mais au combien nécessaires, de verres qui tintent et de gourmands qui saucent leurs assiettes en loucedé. Aux voix et rires mêlés de jadis, a succédé le vrombissement de l’aspirateur que l’on passe et repasse frénétiquement en attendant le jour désormais sacré de la réouverture.
Ce jour viendra, nous prendrons des réservations et recevrons des clients, sûrement pas tous, et avec des contraintes économiques et sanitaires, mais nous serons présents dans nos salles, cuisines, comptoirs et offices. Nous serons présents et avides d’offrir ce qui devient un luxe en ces temps anxiogènes ; le réconfort. Celui qui intervient lorsque l’on pénètre dans un établissement où règne l’harmonie, la convivialité et ou l’on s’installe en dégustant des yeux l’assiette du voisin de table. Cette page blanche doit nous permettre de réécrire les codes d’une profession parfois engoncéedans des us et coutumes obsolètes, des gestes que l’on répète machinalement , des formules au format prêt-a-réciter que nous devons corriger en mettant au centre de nos préoccupations les valeurs essentielles de la table que sont la convivialité, le partage , et la jouissance.
L’émotion, la bienveillance et le bons sens seront nos modes d’expression et seront la continuité du travail des cuisiniers et pâtissiers, ne posons pas une assiette mais donnons lui de la profondeur à l’aide d’un sourire sincère et d’un regard sobrement complice ; prolongeons le partage en inculquant cette bienveillance aux plus jeunes qui se lancent dans les longues carrières que sont celles de la restauration et aidons les à se réaliser en mettant en scène la magie que peut être une expérience au restaurant. Délivrons nous de certaines cérémonies caduques et revenons à notre rôle de passeur en échangeons avec nos clients sur l’importance de la provenance et de la production des produits que nous consommons, de ces femmes et hommes qui oeuvrent au grès des saisons. En somme, prenons soin les uns des autres et continuons de faire rayonner les arts de l’affable. »
Benjamin Joinville
1 commentaire
c’est très juste mon Benji . j’adore quand tu dis » faire rayonner les arts de la table «